Il y a de ces musiques aux ambiances feutrées et discrètes, qu’on qualifierait même de rassurantes parfois, tant elles se laissent apprivoiser dans ces situations où l’on a si cruellement besoin d’elles (tiens par exemple, ces moments interminables où tu attends le signe hypothétique de cette fille charmante au bureau, à qui tu as impudemment filé ton numéro de portable) et tant leur effet s’avère bénéfique sur notre inconscient, en lui murmurant à l’oreille « Things will work out, things will be alright, time can be unkind, it feels that way sometimes ». Epic45 livre une musique familière et réparatrice, forgée dans un slowcore délicat, empreinte de beauté simple et d’un minimalisme en trompe-l’oeil.
Pourtant, la tristesse et la mélancolie ont toujours été au coeur des compositions du duo, et Weathering ne déroge pas vraiment à la règle. Combinant sonorités acoustiques (arpèges de guitares aux glissements frottés, violons quasi-philarmoniques), electronica fluette (nappes de synthé, rythmes à demi-effacées, craquements du saphir sur son microsillon) et accents pop éthérés à la façon d’un Hood, dont on retrouve d’ailleurs Richard Adams invité sur l’album également aux cotés de Stephen Jones (Babybird), Epic45, comme à son habitude, recouvre la mélancolie apparente de ses thèmes de filtres aux couleurs pastels, et lui donne cette tonalité un peu bucolique qu’on lui préfère largement. Lorsque le duo a recours aux field recordings, à la façon d’un Benoît Pioulard (les chants d’oiseaux sur la conclusion de « With Our Backs to the City » auquel Jones prête sa voix) il en résulte une naïveté touchante qui pourrait agacer si elle n’était pas distillée avec justesse, et sans excès. Même remarque avec les voix féminines entremêlées de « Summer Message » et le tintement de ses cloches, jusqu’au classicisme printannier de « Weathering », véritable ode de neuf minutes. Une beauté simple et épurée résumée par les quelques accords d’un piano subtilement désaccordé qui viennent clore l’album.
Forts de leur expérience (le groupe existe depuis une bonne dizaine d’années maintenant, et en est à son cinquième long format), de leur savoir faire dans l’expérimentation et l’élaboration d’ambiances rêveuses – on pense inévitablement à leurs potes de label, Piano Magic (« The Village Is Asleep ») et July Skies – les deux amis d’enfance perpétuent leur tradition d’une musique spontanée mais non moins énigmatique, toujours à demi-mesure, entre pincement au coeur et caresse compatissante. Un disque à savourer – à condition de bien vouloir se laisser emporter dans son sillage. (Mes excuses pour cette fin abrupte – je vous laisse, j’ai un appel.)
En écoute: « The Village Is Asleep »
[audio:https://darkglobe.free.fr/extraits/110705a.mp3]cultive ici son addiction à la musique (dans un spectre assez vaste allant de la noise au post-hardcore, en passant par l’ambient, la cold-wave, l’indie pop et les musiques expérimentales et improvisées) ainsi qu’au web et aux nouvelles technologies, également intéressé par le cinéma et la photographie (on ne peut pas tout faire). Guitariste & shoegazer à ses heures perdues (ou ce qu’il en reste).
Lionel
(…comment çà, Orange Info?)