En ces temps d’Hallloween et d’automne franchement avancé, on n’aurait pas pu trouver mieux pour – au choix – mettre un point final à un weekend de trois jours exceptionnellement pluvieux, ou bien commencer une semaine marathon de concerts qui s’annonce plutôt enthousiasmante (après le choix cornélien entre Liars / Action Beat et The Wedding Present / Troy Von Balthazar ce soir, on se fait Heliogabale et Kiruna demain, et les Tindersticks vendredi. De quoi filer une sacrée claque à ton portefeuille). Hier soir, c’étaient donc les New Yorkais de Elysian Fields, groupe aussi confidentiel que mythique, qui visitaient Lugdunum et ses recoins sombres et (autrefois) enfumés – puisque le concert se déroulait au Hot Club de Lyon, plaque tournante du Jazz local, fief gardé des amateurs de cuivres, piano et autres string-quartets.
Mauvaise surprise en arrivant sur place pour une amie qui m’accompagne, le concert affiche complet. On ne peut pas dire que l’évènement ait bénéficié d’une promotion très appuyée mais c’est typiquement le genre d’évènement qui fait fonctionner le bouche à oreille: artiste au public clairsemé, néanmoins fidèle, salle atypique et intimiste, concert pour le moins singulier car c’est en formule duo qu’Elysian Fields se présente ce soir, Jennifer Charles au chant et Oren Bloedow oscillant entre piano et guitare.
Je n’étais jamais allé au Hot Club de Lyon avant ce soir, mes courtes et anciennes échappées jazz s’étant limitées au Dizzy et à quelques autres bars des pentes de la Croix-Rousse; mais il faut avouer que cette salle est à la hauteur de sa réputation. Cave voûtée, lumières tamisées, ambiance lounge et conviviale se dégageant du petit bar qui fait office de vestibule. Sur scène, un superbe piano orne le coté cour, on a déjà hâte d’en entendre les premières notes. Une fois la salle remplie, le public – assis (une centaine de personnes, à la louche) – accueille Milkymee, chanteuse grignette accompagnée de sa seule guitare. Difficile de savoir d’où vient cette élégante musicienne (c’est de circonstance, l’élégance est un peu le thème suggéré de la soirée finalement) puisque c’est la deuxième fois que je la vois dans les parages, mais que ses récits de voyages débutent à Maison-Alfort pour l’emmener à Göteborg, en Suède (où selon elle « l’hiver est long et froid », et je ne peux que lui donner raison à ce sujet), en passant par des chambres d’hôtel anonymes, dont Emilie nous parle avec confidence, comme des histoires qui s’y sont déroulées. Les chansons de la jeune femme sont réellement touchantes et son timbre vocal comme sa façon de chanter, en jouant sur l’intensité de sa voix, n’y sont pas pour rien. Sa prestation au marché gare ne m’avait pas vraiment convaincu, il en est autrement ici – peut-être est-ce du au cadre et à l’ambiance de la salle, ou bien à l’apparente fébrilité qui semble la sienne – mais Milkymee a bel et bien réussi à arrêter le temps durant celui qu’aura duré son set. Une belle entrée en matière qui place la soirée sous de très bonne augures.
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Après que nous nous soyons un peu resserrés – il faut bien remplir la salle, le concert est complet je t’ai déjà dit – les lumières de la salle s’éteignent et le duo monte sur scène et commence en douceur avec un titre au piano, tout en retenue. La voix suave de Jennifer Charles est restituée à merveille et se répand au moindre centimètre cube de la salle. Je ne sais pas si le dernier rang a bénéficié d’un son aussi plaisant que moi mais considéré le silence et l’attention dont le public a fait preuve j’imagine que oui. Après quelques titres et interventions souriantes des deux artistes, l’ambiance se fait plus chaleureuse, plus détendue mais toujours aussi classieuse. Oren navigue entre piano et guitare (cette dernière, une superbe Gibson demi-caisse branchée dans un Fender Deluxe Reverb, entre lesquels on a du mal à imaginer ou distinguer la moindre pédale d’effet – un booster tout au plus) et fait démonstration d’un jeu au feeling absolument incroyable, une sorte de « juste milieu » ultime entre maîtrise technique poussée et imperfection de rigueur, cette petite imperfection invisible mais indispensable qui amène aux parties de guitare toute leur chaleur, leur charme, leur pouvoir hypnotique; tu vois, cette petite imperfection qu’on entend à la six-cordes de Jeff Buckley quand il jouait au Sin-é; ce groove indissociable, tout ces petits écarts dans l’épaisseur du trait mais qui rendent l’instant complètement unique et absolu. Plus rien d’autre n’existe. Que veux-tu, on est seuls avec Elysian Fields, dans une cave aux murs de pierre, en sous-sol, même les ondes des téléphones portables ne trouvent pas leur chemin jusqu’ici.
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Le duo pioche de façon variée dans tout son répertoire; on aura droit à quelques extraits des albums Dreams That Breathe Your Name, Bum Raps & Love Taps, quelques titres de Queen Of The Meadow également (sorti il y a dix ans mais réédité cette année chez Vicious Circle), ainsi qu’une ou deux faces B et nouveaux morceaux. Tout au long du set, on est pris par un plaisir persistant, le sourire béat aux lèvres lorsque Oren balance un solo carrément « jazzy » et le termine en envoyant un faussement arrogant « THIS is jazz!« , ou quand la voix de Jen Charles s’envole, toujours avec mesure et finesse… Avec classe en somme.
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Typiquement, ce genre de concert – formation réduite, ambiance intime – donc pas beaucoup de son, présence difficile à assurer, peut se révéler vraiment casse-gueule si le public ne joue pas le jeu à fond, si le lieu ne se prête pas à l’exercice, ou si le groupe manque un tant soit peu de charisme et d’aisance sur scène. Autant dire que c’est chose difficile de réunir toutes les conditions pour que la sauce prenne. Ce fut pourtant le cas hier soir. Une très belle surprise, l’occasion de découvrir Elysian Fields sous un visage particulier, une invitation à ressentir leur musique différemment, dans un habit plus simple, plus organique, de façon plus palpable aussi. Deux rappels plus loin, une fois le concert terminé, c’est déjà le souvenir durable d’une belle soirée qui s’installe dans nos esprits. Une totale réussite (ou moitié de réussite, puisque faut-il te le rappeler, une seconde représentation a lieu ce soir) – et plein d’idées pour de futurs concerts intimistes et introspectifs. Affaire à suivre…
Merci à Nicolas pour l’organisation.
cultive ici son addiction à la musique (dans un spectre assez vaste allant de la noise au post-hardcore, en passant par l’ambient, la cold-wave, l’indie pop et les musiques expérimentales et improvisées) ainsi qu’au web et aux nouvelles technologies, également intéressé par le cinéma et la photographie (on ne peut pas tout faire). Guitariste & shoegazer à ses heures perdues (ou ce qu’il en reste).
abds69 - Intimepop.com
Hello Lionel, belles vidéos en n&b, j’ai hésité à venir mais bon Elysian Fields reste toujours si difficile d’accès.
A+
Nicolas
Merci à toi pour cette belle review ;-)
Au plaisir !
cdrx
quand meme, dire que elysian fields est difficile d’acces!!?? ça laisse plus beaucoups de choix!!
;-))
a+
c
abds69 - Intimepop.com
Salut @cdrx, en fait si énormément, par exemple jettes un oeil chez nous à ce que peut faire une Essie Jain , dans un registre mélancolique et soyeux proche des EL. Pour Elysian Fields, après un concert, 30 heures de taff de montage sur des vidéos d’eux et l’écoute de leurs anciens albums, j’arrive pas à écouter plus de 2 morceaux à la suite…
MILKYMEE à l’Epicerie Moderne Mercredi 2 février 2010 « intimepop.com
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