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Disques

Eluvium / Static Nocturne

A peine dix mois après nous avoir gratifié d’un album des plus marquants – Similes, paru chez Temporary Residence – le portlandais Matt Cooper (alias Eluvium) remet le couvert et publie sur sa propre structure, watershipsounds, un premier disque sous l’étiquette de son entité solitaire. Le jeune homme est plutôt prolifique, c’est le moins qu’on puisse dire puisqu’outre les albums et EPs d’Eluvium (au nombre de huit désormais) il avait déjà sorti sous son nom à la ville, en 2008, une oeuvre conceptuelle intitulée Miniatures, composée de huit mouvements éponymes s’articulant avec une fluidité déjà remarquable.

Static Nocturne est annoncée elle aussi comme une oeuvre thématique: un court texte de présentation en guise de livret en présente l’à propos, on y apprend (ou y confirme) la fascination du compositeur pour les sonorités environnantes, naturelles, et la façon dont elles peuvent devenir jusqu’à son unique source d’inspiration. L’album est composé d’une seule piste d’une cinquantaine de minutes qu’il vous faudra donc décortiquer et ingérer en une fois pour en saisir toute la portée. Elle commence par des bruissements abstraits quasi-méconnaissables, appelant le souffle du vent dans les feuillages, les ambiances urbaines embrumées, auxquels viennent s’adjoindre rapidement nappes de synthétiseurs, craquements discrets noyés dans divers effets de réverbération, et souffles parasites – étrangement bienvenus. Quelques notes de piano s’invitent, puis disparaissent au loin, laissant à nouveau là place aux ambiances concrètes et à une musique environnante, enveloppante, se diluant dans nos oreilles comme une longue et lente bouffée d’éther nous plongerait dans un rêve demi-éveillé. Ici, la mélodie se fait rare: si les titres de Copia revêtaient avec distinction un certain classicisme, et si Similes, avec ses parties vocales et ses morceaux aux durées plutôt conventionnelles, se rapprochait timidement d’un format « chanson », Static Nocturne s’éloigne ostensiblement de ces deux types de paysages; c’est davantage un travail sonore que Cooper met à l’honneur, à l’image de certains travaux de Justin Broadrick – sur la forme, on penserait notamment à un Final dont l’atmosphère se serait trouvée éclaircie. L’intérêt du disque repose essentiellement sur l’utilisation de field recordings et sur leur mariage harmonique avec les nappes mouvantes pour lesquelles Cooper montre désormais une maîtrise et une dextérité certaines dans la génèse. Après un thème exclusivement concret où toute forme de mélodie reste suggérée, et les vagues successives assurent à elles seule le mouvement, c’est avec des claviers familiers que Cooper vient clore son ode aux sons, sur un instru extatique et allongé tel ceux qu’on trouve dans ses premiers travaux – comme pour nous tirer en douceur de la torpeur dans laquelle il nous a plongé, presque à notre insu.

La version physique du disque – livrée dans son packaging soigné, limité à deux-cents exemplaires, fait main et numéroté par l’artiste lui-même – est donc destiné principalement aux amateurs du projet et est de toute façon déjà épuisée. Pour les autres avides de musiques ambiantes et hypnotisantes, l’album est en écoute (gratuite) et disponible au téléchargement sur Bandcamp en version numérique pour la somme de huit dollars.

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