A l’heure où les Bunnymen donnent une grande tournée européenne, la plupart du temps sold out, j’ai eu envie de me pencher sur « Bring On The Dancing Horses », titre carillonnant et mythique de Ian McCulloch et ses camarades. La chanson devenue un point de ralliement pour fans du groupe, apparait sur l’album de compilation Songs To Learn & Sing en 1985, seule nouveauté de la liste. On l’entend dans le film Pretty In Pink, l’année suivante, quand le personnage de Molly Ringwald plaisante avec Andrew McCarthy. La scène qui se déroule dans un magasin de disques fait alors largement connaître le groupe anglais au public américain, le montrant comme une formation branchée appréciée des esthètes. Dans High Fidelity (2000), on cite la chanson et les choses se passent à nouveau dans un magasin de disques. Un client qui vient chercher l’EP « The Killing Moon », dit qu’il possède tous les autres albums du groupe. Le vendeur, joué par Jack Black lui lance alors l’album Psychocandy de Jesus And Mary Chain, en disant : « Ils ont repris là où ton précieux Echo s’est arrêté, et tu es assis à te plaindre qu’il n’y a plus d’albums d’Echo. Je n’arrive pas à croire que tu ne possèdes pas ce de disque »...
Mais examinons de près les paroles de ce hit new wave:
Jimmy Brown, made of stone
Charlie clown, no way home
Bring on the dancing horses, headless and all alone
Shiver and say the words of every lie you’ve heard
First I’m gonna make it
And then I’m gonna break it ’til it falls apart
Hating all the faking
And I’m shaking while I’m breaking your brittle heart
Billy stands all alone
Sinking sand, skin and bone
Bring on the dancing horses wherever they may roam
Shiver and say the words of every lie you’ve heard
First I’m gonna make it
And then I’m gonna break it ’til it falls apart
Hating all the faking
And I’m shaking while I’m breaking your brittle heart
Brittle heart, brittle heart
Brittle heart and my little heart goes
Jimmy Brown, made of stone
Charlie Clown, no way home
Bring on the headless horses wherever they may roam
Shiver and say the words of every lie you’ve heard
First I’m gonna make it
Then I’m gonna break it ’til it falls apart
Hating all the faking
I’m shaking while you’re breaking my brittle heart
Brittle heart, brittle heart
And our little heart goes
Bring on the new Messiah wherever he may roam
Bring on the new Messiah wherever he may roam
Bring on the new Messiah wherever he may roam
Bring on the new Messiah wherever he may roam
(Leslie Pattinson, Ian Mcculloch, Peter De Freitas, William Sergeant)
Sortie d’abord en single, cette mystérieuse histoire de « chevaux sans tête et tout seuls » est un des titres phares du groupe de Liverpool. C’est entendu. Mais que nous raconte t-elle? Les chevaux sont des statues expliquait Ian Mc Culloch: « Il s’agit de la façon dont les gens regarderaient plutôt les statues qu’eux-mêmes. Nous vénérons les choses qui nous parlent de nous-mêmes. C’est la façon dont nous pensons que l’art est très important. Une vie sans art, qui sait ce que ce serait ? Nous pensons que la Joconde est cette chose qui a de la valeur, alors que quelque chose d’autre ne l’est pas« .
Wow!! Et moi qui pensais que nous tenions ici une chanson d’amour, voilà qui ajoute une autre symbolique. Trois personnages différents sont nommés : Jimmy Brown, Charlie Clown et Billy. Ian McCulloch a déclaré à Songfacts : « Il s’agit de savoir si nous sommes des statues ou si nous sommes humains.« Jimmy Brown, fait de pierre » : Je ne suis pas Jimmy Brown, je suis quelqu’un d’autre. C’est moi qui frissonne et qui dis « les mots de tous les mensonges que j’ai entendus ».
McCulloch ne reste donc pas dans le registre des déclarations entre amoureux. Mais où va t-il exactement? Rien n’est évident. Certains ont cru voir dans ces paroles le camouflage d’un propos autour de l’usage des drogues… Je n’y adhère pas. Le clip de Anton Corbjin, réalisé bien après la sortie du single, choisit une nette mise en avant de l’image des chevaux, symboles de force et de pouvoir. On les voit aussi à la tâche. Tout cela est bien sûr un jeu artistique, pas l’exposé d’un thème très clair. Je ne le crois pas une seconde. Mais il est bien évident qu’il y a quelques « tiroirs » dans cette chanson entamée sur un accord de ré majeur par Will Sergeant. Et, sur ce point particulier, c’est la musique qu’il nous faut considérer. Le titre est un ensemble. Le motif de guitare introductif est parmi ceux les plus réussis des années 1980. Sergeant est un guitariste assez unique, qui s’inspire de la pop, de la new wave et du psychédélisme. Ses grilles d’accords et structures ne sont pas forcément complexes, mais les enluminures qu’il apporte font mouche à chaque fois. La magie se fait là aussi. Ramenez les chevaux qui dansent!
Photo : McCulloch & Sergeant en 2024
Peintre et guitariste, adepte de Telecaster Custom et d’amplis Fender. Né en 1962 – avant l’invention du monde virtuel – pense que la critique musicale peut-être un genre littéraire, objet idéal pour un débat en fauteuil club millésimé.