Après One Second Riot il y a peu, on continue de faire honneur à nos formations locales puisque c’est le nouveau Doppler, intitulé sobrement Songs To Defy qui est arrivé dans mes oreilles voilà quelques jours. Juste le temps de se faire une opinion suffisamment claire, ce qui n’a pas été facile: car la musique de Doppler est une véritable image d’Epinal. Si elle s’adresse indéniablement au corps, par incessantes vagues de spasmes rythmiques, elle garde aussi cette nature cérébrale par les innombrables détails minutieux dont foisonne la musique construite par le trio.
C’est d’ailleurs ce que peuvent lui reproche ses détracteurs: déjà à l’époque de Si Nihil Aliud, la technique occupait une large place et servait souvent de leitmotiv pour quiconque parlait de Doppler à un non-initié. Ce qui différencie ce nouvel opus de son prédecesseur, c’est un coté encore plus clinique, plus chirurgical, que l’on doit peut être à un son que l’on sent plus précis, où chaque instrument a su prendre toute la place sonore qu’il pouvait occuper. Mais pour autant, on ne peut pas parler ici de démonstration. Si la richesse technique du trio est largement exploitée, elle n’est pas omniprésente comme elle l’est par exemple chez The Dillinger Escape Plan. Doppler sait aussi se montrer capable de se laisser aller à des rythmiques moins complexes, et laisser parler son groove, comme sur My Third Life, Minimum! ou Il Manifesto, et varier les plaisirs, comme il le fait à merveille tout au long des dix minutes de The Coming Out. L’ajout de samples, parfois quelque peu catalogués et dont l’utilisation ne semble pas toujours nécessaire (s’il faut lui trouver un défaut) amène quand même ce trait qui donne au groupe Lyonnais son visage reconnaissable entre mille. Et par dessus le marché, il y a cette batterie, incisive, effrayante de précision, claquante comme celle de John Stanier, rapide et précise comme celle de Tim Alexander.
En fin de compte la vraie réussite de Doppler sur Songs To Defy est peut-être d’avoir su pondre un de ces disques aux facettes multiples, que l’on prend autant de plaisir à écouter en voiture, chez soi, en « arrière-plan », que dans des situations d’écoute plus confortable, attentive et concentrée. Patchwork d’influences, Songs To Defy est oeuvre hybride, forte, caractérielle, curieuse, un peu comme ces mosaïques de photos dont l’ensemble en forme une autre lorsqu’on s’en éloigne. Grandiose.
En écoute: « My Third Life, Minimum! »
[audio:http://dopplernet.free.fr/docs/My-third-life-minimum!!!.mp3]
cultive ici son addiction à la musique (dans un spectre assez vaste allant de la noise au post-hardcore, en passant par l’ambient, la cold-wave, l’indie pop et les musiques expérimentales et improvisées) ainsi qu’au web et aux nouvelles technologies, également intéressé par le cinéma et la photographie (on ne peut pas tout faire). Guitariste & shoegazer à ses heures perdues (ou ce qu’il en reste).