Tous les artistes ne rêvent que d’une chose : avoir des fans, par dizaines, par centaines, par milliers, millions… Sans fans, on ne va pas dire qu’il n’y a pas d’artiste mais disons qu’il n’y a pas la reconnaissance publique, espérée, de ce statut. Et un fan, normalement, généralement, c’est à vie. Ou jusqu’à la mort de l’artiste. Le fan est présent, dévoué, fidèle, inconditionnel (quoique)… bref, il est là ! Partout et tout le temps.
Mais le fan est exigeant, il en veut beaucoup, toujours plus, parfois trop… et plus encore quand l’artiste est mort. Parce qu’il avait déjà passé toute sa vie à emmagasiner des souvenirs, des bouts de vie de son idole, et c’était même refait la totale au moment du décès. Il a déjà tout vu, tout lu, tout appris, tout gardé précieusement. Et donc pour le surprendre, le satisfaire ou simplement ne pas le décevoir… ce n’est pas facile.
Tout ça pour vous dire, qu’en grand fan de David Bowie, j’étais le samedi 22 mars à 10h40 devant la Galerie MR8, à Paris, dans le quartier du Marais pour l’expo photo intitulée Mister Jones’ Long Hair. Je précise l’horaire parce que, anticipant l’affluence, les organisateurs avaient opté pour un système de réservation par tranche horaire. Et c’était plutôt intelligent parce que les expos photos avec des gens collés à l’image quand tu essaies d’avoir un peu de recul… c’est pénible.

Photo expo par « Sortir à Paris »
Autant vous dire tout de suite que j’ai vraiment apprécié cette expo. J’ai lu, çà et là, les quelques inévitables commentaires négatifs de personnes qui s’attendaient sans doute à voir un grand barnum avec des centaines de photos de concerts que, par miracle, ils ne connaitraient pas encore… Ce n’était évidemment pas le sens de cette expo. Et puis, c’est une galerie donc, certes il y a trois salles, mais ce n’est pas non plus le musée du Louvre.
C’est une expo photo (de nombreuses photos inédites, différents photographes), mais pas que… ça se veut surtout un point de vue un peu plus intime sur David Bowie, à partir de l’époque de David Jones avec ses cheveux longs (lors de sa première apparition à la BBC en 1964, David Jones, 17 ans, était invité à parler en tant que président de The Society for the Prevention of Cruelty to Long-haired Men).
L’expo est, en quelque sorte, racontée par des textes de David Lawrence (Le monde selon Andy Warhol), qui fait parler Terry Burns, le demi-frère (aîné) de David Bowie. Et cet angle n’est pas simplement anecdotique ou juste une énième tentative d’avoir un point de vue original.
Terry a eu une influence significative dans l’évolution musicale de David. Plus âgé que lui, il lui a fait découvrir de nombreux univers musicaux. Il l’initie au jazz, l’emmène à Londres voir des concerts. Il lui donne aussi l’accès à certains auteurs : Kerouac, Ginsberg, William S. Burroughs, Baudelaire, Genet, …
Mais le point le plus important ce sont les problèmes psychiques de Terry. Ce dernier était schizophrène et, à partir de la fin des années soixante, il fera de nombreux séjours au Can Hill Hospital. On retrouve son fantôme dans plusieurs textes de chansons comme, dès 1970, « All the madmen », dans l’album The man who sold the world. Difficile de ne pas retrouver ce côté schizophrène dans les différents personnages qui s’incarnent successivement dans l’artiste qui, consciencieusement, les tue les uns après les autres. Terry se suicidera en janvier 1985 en s’allongeant sur les rails… Station to station… C’était la minute philosophie de comptoir.
C’est une expo où l’on rencontre sa famille : sa mère, son grand-père (qui, semble-t-il aurait inspiré « The little bombardier », une chanson du premier album officiel (1967) chez Deram, sobrement intitulé David Bowie), George Underwood, cet ami d’enfance qui, d’un coup de poing, lui donnera ce regard particulier laissant croire à deux yeux de couleurs différentes.
On y croise les gens qui l’ont influencé musicalement de manière assez directe : Iggy Pop, Marc Bolan, Brian Eno, Jimi Hendrix, Bob Dylan… On effleure sa filmographie, ses expériences théâtrales… On entend une bande son qui même Bowie et ses influences…
Bien sûr, il y a aussi quelques belles images de scène, comme celle qui illustre l’affiche de l’expo. Mais les tirages sont principalement de grands formats, d’une très belle qualité et essentiellement en noir et blanc. Peut-être pour ne pas apporter la note de gaieté incongrue que pourrait suggérer la couleur. Je sais qu’il y a quand même quelques tirages couleurs ,mais l’image que j’ai retenue représente David Bowie allongé dans une sorte de barque, sans doute pendant le tournage de Furyo, avec ses cheveux jaunes, dorés.

Si je devais sortir une image du lot, je n’en serais pas capable, toutes sont importantes, mais il y a deux histoires que l’on pourrait raconter (une que je connaissais et une autre qui m’est apparue en regardant les photos).
La première c’est la légende de la photo de Marc Bolan qui meurt le 16 septembre 1977 dans un accident de voiture, conduite par Gloria Jones (qui interprètera « Tainted Love » avant la reprise par Soft Cell), la mère de son fils. Marc ne conduisait pas. David, qui était le parrain de son fils, veilla, sans que cela soit trop dit, aux besoins matériels de l’enfant et de sa mère jusqu’à ce qu’il puisse entrer en possession de l’héritage (oui, Marc était déjà marié et le règlement de la succession ne se fit pas sans problème et prit quelques années).
La seconde c’est une évidence qui apparait dans l’exposition. Côte à côte, sont disposées une photo d’Iggy Pop sur scène à l’époque de The Idiot et une image de Bowie interprétant John Merrick (Elephant Man). Quelques secondes suffisent pour que les deux images se brouillent et qu’on ne sache plus qui est qui. C’était assez troublant.
Bref, si vous aimez David Bowie, mais pas simplement comme un collectionneur, un boulimique de photos, d’anecdotes, de musique… vous aimerez cette exposition qui a un regard plus intime, plus doux, un peu comme si tous les personnages, réels comme imaginaires, s’étaient tranquillement arrêtés, et regardaient l’histoire de leurs vies, assis à côté de vous…
P.S : L’expo galerie MR8 ( Paris) dure jusqu’au 22 juin 2025 .
Lien vers la galerie : https://themragency.com/fr/david-bowie-exposition/
A St Rémy de Provence, Mister Jones’ Long Hair, du 12 avril au 28 septembre, Espace Hôtel de Lagoy
Lien : https://www.mairie-saintremydeprovence.com/events/david-bowie-mr-jones-long-hair/

Dilettante de la musique, de l’écriture, de l’image et de la chemise à fleurs (ou à tête de mort). J’aime bien dire ce que je pense… et j’aime tout autant la mauvaise foi. Tout est question de dosage et de sujet.