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ConcertsLive Reports

Clap Your Hands Say Yeah / Paloma Club (Nîmes), 24/04/22

En tournée pour l’album New FragilityAlec Ounsworth dont  nous étions allés à la rencontre cet hiver lors d’un showcase intimiste, acoustique et parisien, mène d’une main de maître son CYHSY quand nous craignions, à tort, que le groupe ne soit un peu passé à la trappe… La formation que l’on découvre sur scène en 2022, n’a toutefois plus rien à voir avec celle qui fit le buzz en 2005 et 2006, après un premier album éponyme auto-produit, diffusé via internet, qui provoqua un engouement dépassant de très loin les attentes de ses auteurs. Séparé en 2012 sous sa première forme, après trois LP de la même veine indie rock, CYHSY rechercha ensuite de nouvelles marques pour continuer une œuvre éclairée par la personnalité d’un Ounsworth tenté par des side-projects plus ou moins confidentiels. À cette période seul le batteur Sean Greenhalgh eût l’énergie de rester aux côtés d’un leader aussi mal à l’aise qu’excité par une aventure qui l’étonnait lui-même. Aujourd’hui le song-writer à la voix nasillarde, né à Philadelphie en 1977 et dont l’inspiration semble intarissable, ressemble toujours à ce personnage étonnant qui nous apparut en 2005, semblant la fusion d’un Bob Dylan post new-wave et d’un Woody Allen qui aurait été fan des Talking Heads et de Tom Waits… Autour de lui, les divers groupes réunis n’ont-ils été que des moyens d’arriver à des fins artistiques et existentielles? Probablement pas pour les années fondatrices – 2004/2007- mais la question peut se poser tant la personnalité d’Alec Ounsworth incarne presque à elle seule depuis plus de dix ans, l’idée même de Clap Your Hands Say Yeah !

New Fragility  publié en février 2021, joué sur scène ce soir, n’est pas à franchement parler un album réjouissant. Non pas pour des raisons musicales, mais en raison de ses thématiques contrariées et de récits qui alternent entre problématiques sociétales (la violence de la société nord-américaine – « Thousand Oaks ») et déstabilisations personnelles (vie amoureuse et divorce, paternité, place de l’artiste). Sur la scène Club de la SMAC Paloma (Nîmes) après des dates en Espagne et d’autres à venir en Suisse, Italie et Allemagne, Ounsworth et le groupe sont convaincants; mêlant à la set list quelques classiques – dont l’incontournable « My Yellow Country Teeth ». Le chanteur garde son timbre haut perché, un phrasé pouvant s’emporter avec des accents d’un Hill Billy rock davantage urbain que rural, cela va de soi. Les lignes de guitares – belles, pleines de musicalité – sont moins tranchantes et claquantes qu’on l’imaginait. Des doubles micros humbuckers ont remplacé les simples bobinages utilisés sur la Telecaster qu’on pensait retrouver entre les mains du chanteur et guitariste. Le son de la demi caisse-short scale privilégiée, reste dans un registre clair mais gagne en chaleur et en ampleur. Ressentis logiques en regard de la façon dont le guitariste joue d’accords pleins, souvent enrichis d’harmoniques par le frottement des cordes à vide. Chez Ounsworth-guitariste on entend peu de variations de sonorités au sein d’un même titre, mais un son existe : reconnaissable, habité, d’une réelle beauté…Ce qui se nomme un style. Sur scène le hobo du rock indie le décline sans limite ni retenue.

On donnera une mention spéciale au nouveau batteur, central et efficace, dont la puissance, la frappe et les séquences évoquent Brian Devendorf (The National) mais confèrent surtout une grande puissance et une présence intense à la musique qu’il permet de poser et de cadrer. Aux claviers, Charlotte « Sometimes », discrète française aux cheveux longs – fiancée « française » d’Alec ? – qui offrit une délicate prestation en première partie, joue des orchestrations qui auraient mérité une meilleure sonorisation. Elles sont complétées par des séquences de synthétiseur lancées par un bassiste et claviériste, qui permettent le riche développement de l’ensemble, et situent les compositions selon certains attendus qu’on avait en tête. Ceci parce que le son de CYHSY, quoi que créera encore son imaginatif fondateur, demeure situé dans notre inconscient dans cet espace-temps de trois albums, temporairement clôt par Hystérical (2011) après l’orageux Some Loud Thunder (2007) …

En pantalons de velours larges, baskets blanches, chemise près du corps et sans col, la tête coiffée d’une grosse casquette et les yeux derrière des lunettes à monture transparente, Alec Ounsworth n’a pas vraiment l’air d’une rock star. Il apparaît hors du temps, hors mode et presque hors tout. S’en moque-t-il? Si Bowie et David Byrne vinrent discrètement assister aux concerts de CYHSY du début des années 2000, celui qu’ils pouvaient voir s’animer au centre du quintet de Brooklyn était bien loin de leurs propres prestations, tantôt extravagantes tantôt guindées sinon maniérées.  L’expressivité ne revêt pas qu’un seul costume. Né dans une mouvance qui compta The Walkmen, The National, Radio 4 – les uns et les autres se suivirent peu ou prou-, CYHSY continue son chemin qui est celui de son leader. Seul au piano pour « Mirror Song », Ounsworth le chante explicitement à qui ne l’aurait pas compris. L’inventivité des compositions les rend belles et c’est ce qu’on retient, finalement, à l’issue de ce concert. Chez CYHSY tout n’est pas inoubliable, mais il existe une résistance au temps. La nuance peut être saisie.

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