Il y a une époque, encore pas si lointaine, à laquelle revoir un jour Chokebore à Lyon (ou Feyzin plus précisément) était juste un doux rêve. Mais depuis l’année dernière et la reformation du groupe Hawaïen pour une dizaine de dates, sans oublier la venue de Troy Von Balthazar à l’Epicerie (avec qui on avait alors bien pris la peine de placer l’affaire, tu te rappelles), l’espoir nous était enfin donné. Et c’est finalement ce mercredi 26 octobre que le groupe que Kurt Cobain avait qualifié de « meilleur du monde » (rien que çà), Troy en tête toujours accompagné de Christian Omar Madrigal Izzo et des deux frères Kroll, ont investi l’Epicerie Moderne. Cerise sur le gâteau, l’équipe de l’Epicerie nous proposait en première partie The Good Damn, déjà connus et appréciés de nos services et défendant toujours I Can Walk With My Broken Leg, leur excellent album sorti l’année dernière. Il me semble qu’une résidence de quelques jours avait eu lieu en préparation de leur set et on pouvait donc s’attendre à quelques nouveautés de la part du groupe Lyonnais.
J’entre dans la salle au moment où The Good Damn commence donc à peine le premier morceau, et en effet, on perçoit déjà le travail qui a pu être apporté lors de cette résidence: son d’une densité particulièrement imposante (plus encore que d’habitude), mise en place, scénographie (une toile blanche est tendue derrière le groupe, décor minimaliste mais qui joue son rôle une fois les lumières en « action »). C’est la troisième fois que je vois The Good Damn sur scène, et à chaque fois ils m’impressionnent un peu davantage: il y a un personnalité de plus en plus forte dans leur écriture, leur façon de construire les ambiances, et d’amener les parties nerveuses plus heavy progressivement; on est à la frontière de bien des styles ici (on pense parfois au post-rock, au stoner, au blues-rock évidemment) mais celui que distille The Good Damn est unique et ce concert enfonce un peu plus le clou. J’ai du déjà le dire avant mais certains passages (« The Hill » notamment), sans s’en rapprocher ostensiblement, me rappellent toujours le premier album de US Christmas (qui est fantastique). On entendra il me semble un ou deux nouveaux titres, autour de ceux extraits de l’album – d’ici à supposer que les quatre lascars préparent un nouveau disque il n’y a qu’un pas qu’on va franchir allègrement et en ajoutant que ce serait une très bonne chose. Si les progrès dont le groupe fait preuve sur scène se matérialisent aussi sur le disque on peut s’attendre à du très, très bon. Seul regret pour ma part, The Good Damn aura pratiquement passé tout son set dans une pénombre poussée et dans un brouillard fumigène trop épais: pas facile pour un reporter amateur, inexpérimenté et piètrement équipé comme moi pour récupérer quelques images valables à partager ici. On a fait ce qu’on a pu hein (heureusement je peux toujours compter sur les images de quelque contributeur bien inspiré pour pallier à mes lacunes de photographe, grand merci à lui).
Chokebore, deuxième quatuor de la soirée mettra un peu de temps à s’installer, puisqu’il a eu la malchance de tomber en panne de camion à Marseille (on ne vous le répétera jamais assez à vous, groupes qui partez en tournée, prenez soin d’avoir recours à des services de location de véhicules fiables – allez hop, un peu de pub gratuite) et n’a pu arriver sur place que quelques minutes avant que The Good Damn ne commence à jouer. Pas grave, on se pose, on branche les amplis et les micros, dix minutes de line check, toc toc badaboum et c’est parti pour une heure trente de show.
Ceux qui les avaient vus l’année dernière à la Maroquinerie (Paris) ou à l’Usine (Genève) le savaient déjà, moi je ne faisais que m’en douter – mais Chokebore n’a absolument rien perdu de sa superbe. Troy, toujours aussi généreux, gesticule et remue le manche de sa guitare avec le style qu’on lui connait, et c’est bizarre comme on se dit que n’importe qui d’autre à sa place aurait l’air ridicule alors que lui a juste la classe ultime (ouais, je suis fan et non, je suis pas vraiment objectif, je sais). On sent le chanteur poussé à bloc par ses musiciens qui transmettent eux aussi une énergie incroyable. La setlist à laquelle on a droit est tout simplement parfaite: toute la discographie du quatuor passée au peigne fin – de « Thin As Clouds » et « The Perfect Date » (inespéré pour moi!) en passant par « Police », les incontournables « A Taste For Bitters », « Little Dream » ou « Ciao L.A. », et puis bien sur les morceaux tirés du EP Falls Best sorti chez Vicious Circle le mois dernier et dont on vous parlait il y a quelques jours, « Lawsuit », « Awesome », « Defenders » et « Joy » (seul le titre « Get Blonder » sera évincé, peut-être parce que c’est celui dont le style se rapproche le plus des compositions de TVB solo?).
Je n’ai pas jamais eu la chance de voir Chokebore en live avant aujourd’hui mais leurs morceaux n’ont pas pris une ride: j’ai l’impression de retrouver mes dix-sept ans en secouant la tête frénétiquement sur « The Perfect Date », et, un peu plus tard, la mélancolie douce-amère de « Geneva » (sans conteste une des chansons qui m’a le plus marqué, je m’en rends compte maintenant) me noue l’estomac comme si je l’entendais pour la première fois il y a presque dix ans. L’espace d’un instant, ce concert prend même à mes yeux des allures de pèlerinage et me justifie à moi-même, comme si j’en avais besoin, le difficile renoncement à la fascination que Dirty Beaches (qui joue le même soir au Sonic) exerce sur moi, et que j’aurai donné cher pour voir sur scène.
Le sentiment qui prédomine au final quand on jette un oeil aux visages des gens autour de soi, c’est que le public venu voir Chokebore sur scène ce soir d’octobre 2011 est comme on pouvait s’y attendre: enthousiaste et familier, appréciant de retrouver un groupe au succès et à la reconnaissance somme toute très relative mais qui garde une importance privilégiée dans les esprits de chacun, qu’ils lui aient été fidèles depuis ses débuts, ou bien l’aient découvert plus récemment. A peu près tous ont les yeux qui brillent et le sourire aux lèvres lorsque le rappel prend fin avec « A Taste For Bitters », et que les lumières se rallument.
Ceux qui le souhaitent peuvent retrouver l’intégralité du concert sur cette page.
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cultive ici son addiction à la musique (dans un spectre assez vaste allant de la noise au post-hardcore, en passant par l’ambient, la cold-wave, l’indie pop et les musiques expérimentales et improvisées) ainsi qu’au web et aux nouvelles technologies, également intéressé par le cinéma et la photographie (on ne peut pas tout faire). Guitariste & shoegazer à ses heures perdues (ou ce qu’il en reste).
abds69 - intimepop.com
Je crois que Good damn avait un bassiste ce soir là ? dommage j’ai raté ce line-up, mais est il définitif ?
Lionel
Oui, The good Damn avait un bassiste (il s’agissait d’ailleurs du bassiste de feu Doppler, j’ai oublié de le mentionner). Je ne sais pas si le line-up est définitif mais ça a l’air bien parti :)
cdrx
enorme………………..;-)