Encore un de ces lundis soir pluvieux, froids et humides, où il faut faire l’effort surhumain de se lever de son clic-clac, enfiler un semblant de tenue pas trop indécente et traîner son boule jusqu’à la salle de concert la plus proche pour occuper un tant soit peu sa soirée. Mais je le confesse (et Shrinebuilder ne pourra rien y faire), ce soir la motivation est un peu plus présente pour moi, parce que Chevreuil passe au Grrrnd Zero (à Vaise en plus) à l’initiative de Maquillage et Crustacés. Encore jamais vu le duo sur scène pour ma part, puisque j’ai vraiment découvert leur musique après leur entrée en « hibernation », il y a à peu près quatre ans – et particulièrement alléché par son simple rendu en stéréo, j’étais très curieux de voir ce qu’elle allait rendre en trois dimensions (Chevreuil joue au milieu du public avec quatre amplis disposés en cercle, jouant littéralement de la façon dont leur son occupe l’espace).
Histoire d’ouvrir le programme en douceur quadriphonique c’est Raymond IV qui débute. Installé à même le sol au milieu de la salle, le garçon utilise une guitare posée à plat et de multiple pédales d’effet, delays, samplers, effets de modulation pour créer des drones lents et progressifs ; un vidéo projecteur fixé au plafond et réfléchi par un miroir convexe dépeint une toile mouvante au sol, se projetant sur l’instrumentiste accroupi et sur les premiers rangs autour de lui. On y distingue mouvements de foule, places vues d’en haut où se déplacent des gens… Pendant ce temps la musique s’étire et les boucles s’enchainent avec subtilité mais sans grande surprise; cela ne semble pas être le propos de toute façon, la musique mise plutôt sur un déroulement progressif avec quelques mouvements très bien placés et enchaînés (on se fait la remarque à ce moment là que des variations visuelles les accompagnant seraient du meilleur effet). Bonne entrée en matière, peut être un tout petit peu trop longue s’il fallait trouver détail à redire.
Daniel Higgs, dont le set suit, m’est totalement inconnu. C’est un vieux bonhomme à la barbe grise, habillé d’une veste grise, j’ai presque envie de dire à la mine toute aussi grise lorsque je le croise sans trop le remarquer devant l’entrée du Rail (arrêtant tout de même les yeux sur les tatouages qui ornent ses bras et ses mains). Les lumières rouge et jaune qui l’éclairent sur scène lui donnent un tout autre visage. Sa voix tremblante se pose tantôt sur un banjo, tantôt sur une boîte / soufflet qu’il ouvre et ferme comme un accordéon pour en sortir une note (unique) dont l’intensité varie et suit l’intonation de son chant, plus ou moins parlé par moments. Un set curieux et atypique qui passe comme une lettre à la poste. A plusieurs reprises je me dis que le type me rappelle un peu Josh Pearson (Lift To Experience) dans sa dégaine, son attitude de vieux briscard qui a roulé sa bosse un peu partout, et sa barbe d’apôtre qui commence ma foi à être bien fournie. Les textes des chansons ne sont pas vraiment du jamais entendu – ça tourne autour de la société qui fait rien qu’à rendre les gens tous fous, d’apocalypse et un petit coup de Holy Bible par-ci par-là – mais Daniel Higgs a un coté vraiment attendrissant, autant qu’il impose un certain respect: il s’avère que le bonhomme fait aussi partie de Lungfish, groupe de post Hardcore (que je ne connais pas) qui évolue depuis 1987 (il faut avouer qu’on a un peu de mal à s’imaginer Daniel Higgs en hurleur vocaliste). Tout en spontanéité, il termine par une version a capella de « Somewhere Over The Rainbow ». Magique.
[youtube]APKwfpHVvFE[/youtube]
Ce sont les deux gars de Chevreuil qui prennent la suite et s’installent comme Raymond IV, et comme à leur habitude, au milieu du public qui s’est bien clairsemé, en partie pour s’abreuver et s’adonner au tabagisme – malgré les efforts de l’organisateur et de ceux qui respectent son aimable consigne certains n’auront pourtant encore une fois pas pris la peine de sortir pour çà et c’est bien triste (ouais, je sais, y’en a encore qui trouveront que j’ai rien d’autre d’intéressant à dire mais je m’en fous, j’écris ce que je veux).
[youtube]cczg4XCH6Ws[/youtube]
Le duo démarre donc sur les chapeaux de roues (c’est con à dire mais avec Pneu cette phrase fonctionnait beaucoup mieux. Non mais va trouver une phrase d’accroche avec un groupe qui porte un nom pareil). Rien d’étonnant puisque le math-noise-rock qu’il distille repose essentiellement sur l’énergie et la dynamique entre la guitare et la batterie. Là aussi, les boucles se superposent pour poser une structure en fond sonore qui ne sert au final que de prétexte à une déferlante de breaks de batterie complètement invraisemblables et riffs de guitares hallucinogènes: le rythme, lui est loin d’être oublié car si ces motifs alambiqués pleuvent sur nous comme des hallebardes tout ça repose sur un véritable tempo qu’on arrive plus ou moins aisément à distinguer mais toujours présent. Première force de la formation. La deuxième, bien sur, c’est la quadriphonie. La batterie au centre des quatre amplis sert de pilier sonore, et c’est difficile à affirmer avec certitude mais le guitariste / clavier contrôle semble t’il à l’aide d’A/B boxes les enceintes depuis lesquelles le son abonde. Le résultat c’est que la puissance des watts qui en sortent change parfois de direction, de couleur. On comprend pourquoi, combiné avec l’état de transe que provoquent les frappements incessants de la musique, cet effet spatial désoriente et abasourdit. Après un rappel et un peu moins d’une heure de set sans aucun temps mort Chevreuil quitte la scène jusqu’à un prochain retour éventuel, qu’on espère vivement avant une attente de plusieurs années cette fois-ci.
[youtube]MJ-CtWcjKCE[/youtube]
L’interview, à la suite du set de Chevreuil, de Julien (batterie) au sujet du label Africantape dont faut-il le rappeler, il est le fondateur et le principal acteur (que vous pourrez lire ici d’ici quelques jours) me privera de la prestation d’Alexis Gideon dont je ne verrai malheureusement que quelques minutes, bien trop peu pour faire à son sujet quelque commentaire objectif et/ou intéressant.
cultive ici son addiction à la musique (dans un spectre assez vaste allant de la noise au post-hardcore, en passant par l’ambient, la cold-wave, l’indie pop et les musiques expérimentales et improvisées) ainsi qu’au web et aux nouvelles technologies, également intéressé par le cinéma et la photographie (on ne peut pas tout faire). Guitariste & shoegazer à ses heures perdues (ou ce qu’il en reste).
Lionel
un autre avis (bien plus éclairé) ici
http://666rpm.blogspot.com/2010/11/un-roi-quadriphonique-un-barde-precheur.html
et quelques jolies photos en noir et blanc ici
http://666pix.blogspot.com/2010/11/raymond-iv-daniel-higgs-chevreuil.html
Haz
« bien plus éclairé », tu exagères !
merci
Lionel
Tes photos étaient plus éclairées aussi! (surtout celles de Raymond IV)
Bache
Mec,
ce que joue Daniel Higgs sur ta vidéo, ça s’appelle une Shruti Box (rien à voir avec l’accordéon, car la Shruti est de la famille de l’harmonium), et ce morceau s’appelle Hoofprints on the ceiling of your mind, qui est sur son dernier album Say God.
Concernant Lungfish, puisque tu ne connais pas, jette toi sur l’album Artificial Horizon pour commencer (car la disco est longue… oh oui).
Cool compte rendu, un peu dég d’avoir raté Daniel Higgs (qui me semble-t-il n’était pas prévu à la base???) ça pour Shrinebuilder à Feyzin, que j’ai trouvé décevant
Lionel
Salut! Merci pour les précisions. Je vais tacher de me procurer l’album dont tu parles.
En effet Daniel Higgs n’était pas prévu, il s’est rajouté sur l’affiche à la dernière minute. Très bonne surprise pour ma part…
Shrinebuilder bof alors? Et Sofy Major c’était bien?
Bache
on est arrivé à la bourre à cause de moi, du coup on a pas vu Sofy Major. le metro était bloqué lundi soir à cause d’un coli suspect, donc mes potes m’ont attendu super longtemps pour partir et on est arrivé à la 2e chanson de Shrinebuilder. En effet assez bof. C’était pro, carré, gros son bien propre, mais c’était pas magique musicalement. En fait y avait trop à attendre avec un line up pareil je crois
Bache
en fait pour lungfish, écoute d’abord ça
http://stream.publicbroadcasting.net/production/mp3/national/local-national-474486.mp3
c’est pas grave si tu comprends pas tout ce qu’il raconte. En fait, musicalement, tout ce qui passe entre les blabla d’itv, c’est un assez bon résumé de leur histoire.