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Disques

Chelsea Wolfe / Ἀποκάλυψις

On avait découvert Chelsea Wolfe sur la scène du Kraspek Myzik au printemps dernier, lors d’un concert intimiste dont elle partageait l’affiche avec Witxes et Julianna Barwick. Protagoniste unique et fascinant (néanmoins assez « terrestre ») d’une prestation étrangement marquante, interprêtant ses chansons à la guitare acoustique le visage dissimulé derrière un voile en crêpe noir, laissant à peine transparaître un regard pourtant transperçant, l’américaine dépeignait un univers sombre, onirique et marécageux, puisant une inspiration lointaine chez Marissa Nadler, PJ Harvey ou encore Dead Can Dance et ses ambiances instrumentales funestes.

Son album, intitulé en lettres grecques Ἀποκάλυψις (Apokalypsis) sortira le 23 aout prochain en LP chez Pendu Sound, mais a déjà été rendu disponible via Bandcamp – par Chelsea elle-même – il y a près d’un an. L’occasion de se pencher (à nouveau) sur ce disque intrigant qui brouille bien des pistes. Dissipées, les tentatives d’affiliation folk, « doom » ou « gothique », dispensées un peu trop hâtivement: la musique de Chelsea Wolfe est bien plus vaste et personnelle que cela. Le titre d’introduction, sur vingt secondes de hurlements à vous glacer le sang, noyés dans la reverb (difficile de ne pas se rappeler du « Absolutely Null and Utterly Void » de Boduf Songs), installe d’entrée un climat morbide et oppressant, qui laisse presque aussitôt place à un rock mid-tempo aux guitares feutrées (« Mer », très PJ-Harveysque) voire aux accents post-punk ou indie rugueuse (« Demons » et son refrain Sonic Youth) apportant un équilibre bienvenu, parsemant le disque de quelques touches plus lumineuses. Très peu voire pas de guitare acoustique ici, Wolfe prend le parti ambitieux de donner à son projet studio un habit très différent de son corps « live » – même si l’expérimentation reste une composante commune à ces deux versants, la chanteuse affectionnant l’usage ostensible de boucles chorales, nappes de guitares et autres voix fantômatiques (le lent et hanté « Pale on Pale », titre phare du disque).

Mouvant, sinueux, voilà comment on peut qualifier Ἀποκάλυψις ; obscur aussi, bien sûr, mais d’une obscurité complexe, familière, séduisante et au final qui finit par vous envelopper vous aussi. Aucun de ses titres ne se fait écho et l’album jouit pourtant d’une cohérence à toute épreuve, ses trente-sept minutes s’écoulant avec une grâce facile et discrète.
L’album est en écoute intégrale sur NPR.

En écoute: « Mer »

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