Matt Sweet, plus (ou moins) connu sous le sobriquet de son projet Boduf Songs, n’est pas ce qu’on pourrait appeler un joyeux drille. Par ici on l’avait vraiment découvert avec son dernier long format, How Shadows Chase The Balance – pénétrant par la même son univers sombre et cotonneux, dépeint par une folk noircie par son minimalisme et narré par un chant murmuré habité d’une fragilité pouvant parfois inspirer jusqu’au trauma. C’est donc avec une impatience avouée qu’on attendait le fruit de ses derniers travaux, quelques mois après avoir accueilli le garçon et celle qui est depuis devenue son épouse, Jessica Bailiff (qui apparait ponctuellement sur ce nouveau disque).
Les premières notes de piano de « Bought Myself a Cat O Nine » résonnant froidement sous les mots ouvrant l’album (« My hammer feels the urge to nail you to the ground, to smash one through your cheek ») installent l’ambiance d’emblée ; la pénombre de HSCtB ne s’est pas évaporée, elle s’est épaissie comme un vrai brouillard à couper au couteau, et s’habille même de flots macabres (« Lay Still, you breathe too much »)… Le second titre, « Decapitation Blues », amène un peu de lumière par un simulacre de glockenspiel (?) tinté de delay et quelques sonorités électroniques, accompagnant ce chant toujours fragile, confident et funambule : et puis soudain, dans un crescendo amené doucement, le titre s’emballe, emporté dans un tourbillon de duo basse / batterie veloutées. Sweet s’aventure sur des chemins atypiques, sublimant ces ambiances mornes et étouffantes qu’il sait installer avec talent, en y apportant de nouveaux éléments : que dire de « We Get On Slowly », titre à la construction plutôt inédite chez le songwriter – beatboxes glaciales, drones de claviers (rappelant parfois les travaux passés de sa nouvelle compagne à la ville), guitares saturées mais toujours enveloppantes où lourdeur et fluidité se volent la vedette dans une chorégraphie brillamment orchestrée. Et quand il se laisse aller à des sonorités folk et un chant plus conventionnel (et aussi touchant) – « I Have Decided To Pass Through Matter » qui évoque celui d’un Thom Yorke plus dépressif encore – c’est pour mieux le déconstruire à l’aide de samples bruitistes subtils, ou de cris oppressants à peine perceptibles (« Absolutely Null and Utterly Void »), imposant sa version languide d’un slowcore qui tiendrait presque du doom acoustique…
Cette musicalité nouvelle, ces rythmes que l’on découvre chez Boduf Songs sont autant de teintes inattendues sur la palette de Matthew Sweet, et si le tableau reste indéfectiblement noir, rarement l’obscurité aura eu si belle et séduisante allure. Kranky livre ici une des plus jolies sorties discographiques de l’année… Ne passez pas à coté.
En écoute : « Decapitation Blues »
[audio:https://darkglobe.free.fr/extraits/100917a.mp3]
cultive ici son addiction à la musique (dans un spectre assez vaste allant de la noise au post-hardcore, en passant par l’ambient, la cold-wave, l’indie pop et les musiques expérimentales et improvisées) ainsi qu’au web et aux nouvelles technologies, également intéressé par le cinéma et la photographie (on ne peut pas tout faire). Guitariste & shoegazer à ses heures perdues (ou ce qu’il en reste).
DARK GLOBE: Infinite Light Ltd. / s/t
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