« Je suis poète, je le sais. J’espère que je ne vais pas tout mettre en l’air. »
(« I Shall be free », 1963)
Le prix Nobel de littérature 2016 est attribué à Bob Dylan ! Qui l’aurait parié ? Sûrement pas lui-même, chantre insaisissable de la contre-culture, qui n’en demandait pas tant et s’est toute sa vie défié des institutions (Don’t follow the leaders / Watch the parking meters – « Subterranean Homesick blues »). Ira t-il le 10 décembre prochain à Oslo chercher son prix ? Rien n’est moins sûr, et son silence depuis le 16 octobre n’a rien de surprenant au vu de la personnalité de l’homme. En leur temps, Einstein et Sartre ont refusé leur prix. Ceci n’a rien changé à la décision de l’académie d’Oslo. Dylan, pour l’heure, ne l’a pas refusé. Il n’en dit rien.
Quoiqu’il décidera et n’en déplaise à certains, ce choix de l’auteur, chanteur, musicien et poète né à Duluth, Minesotta, en 1941, ne peut être une boutade d’un jury provocateur, vieillissant et nostalgique. Dylan prix Nobel, est-ce l’aveu de la fin d’une forme ? La mort implicite et annoncée du texte écrit ? Mais duquel exactement ? De prime abord, certaines critiques pourraient être recevables. En effet, qu’est ce que la littérature ? Sartre le demandait en 1948, dans un essai ainsi formulé, alors qu’il se trouvait attaqué par moult prosateurs et leur répondait ainsi : Que mettait-on – que mettaient-ils ? – sous cette étiquette (vague) qui demandait définition ? Quelles pouvaient en être et les formes et l’objet ? Si on limite la littérature à un corpus réuni dans des objets livres, et plus particulièrement des romans, alors Dylan peut n’en avoir jamais fait. Bien qu’il ait publié deux livres : Tarantula (1971) et Chroniques 1 (2004). Mais si la littérature peut être aussi orale, dite et écoutée – comme elle le fût avant son recueil dans le creuset du livre – et si on l’accepte multiforme (poèmes et autres textes), alors Bob Dylan est, sans contestation possible, l’auteur d’une œuvre imposante et influente.
Si écrire a pour objet de nous révéler à nous-mêmes et de faire en sorte que le sujet humain se sentit « essentiel par rapport au monde » (Sartre – Pourquoi écrire ?), Dylan reste encore dans le cadre. De même si on répond à la question « pour qui écrit-on » par cette autre phrase de Sartre : « Cela ne fait pas de doute : on écrit pour le lecteur universel ; et (…) l’exigence de l’écrivain s’adresse en principe à tous les hommes », Dylan, dont l’audience dépasse de très loin celle de la plupart des écrivains – Philip Roth compris – réalise un autre banco ! Nier ces évidences sous prétexte qu’il ne serait rien d’autre qu’un chanteur de folk, de blues ou de rock, relèverait d’une rare mauvaise foi.
Les textes de Dylan ont une qualité : ils tiennent seuls. L’auteur en s’inventant chanteur s’est placé dans la position du barde. Sa poésie écrite, il l’a immédiatement déclamée pour la communiquer, et elle s’est transmise à trois cent quarante mètres par seconde. Depuis plus de cinquante ans, ce sont plusieurs générations qui ont entendu et retenu ses phrases. Si on les compare à d’autres textes, écrits eux aussi dans la deuxième moitié du vingtième siècle, on s’aperçoit de leur impact. Lequel est au dessus de la plupart des efforts de ceux qui, dans l’univers du rock ou de la pop, ont voulu noircir du papier avec une certaine exigence. Les plus brillantes phrases de Dylan se remémorent dans les moments clefs d’une vie. Ainsi l’imparable « Celui qui n’est pas occupé à naître est occupé à mourir » (formule dont on retrouve l’écho dans « La maladie de la mort » de… Marguerite Duras). Mais ces textes en fusion, Dylan les magnifie et leur apporte une puissance supplémentaire parce qu’il les chante, bien entendu. Citons Greil Marcus, exégète du Zim : « Ce qui donne du corps à chacune des paroles des chansons de Dylan, c’est la façon qu’il a de les interpréter » (article du 15/10/16, Le Monde). Dès 1964, l’idée dut traverser l’esprit du jeune chanteur conscient de l’ambiguïté qui le caractérisait déjà, alors qu’il réalisait son troisième album Another Side Of Bob Dylan : « I’m a poet, and I know it. Hope I don’t blow it » (I Shall Be Free n°10).
L’oeuvre fleuve – tentative de discographie sélective.
Avec près de quarante albums studio, une dizaine de lives et l’édition des séries bootlegs, aborder une discographie entamée dès 1962 peut relever du casse-tête pour celui qui s’y penche. Dans cette somme, tout n’est évidemment pas du même niveau. Le milieu des 60’s constitue un premier sommet et pose la grande signature d’un Bob Dylan encore très jeune (25 ans) devenu maître de son art. Bringing It All Back Home, Highway 61 Revisited et Blonde on Blonde (premier double LP de l’histoire du rock) forment une trilogie étincelante, à placer au cœur même de l’œuvre. Après cette période où tout est allé très vite, le tournant des sixties et les seventies sont d’une couleur différente.
Si un choix doit être fait – ce qui est compliqué dans ces deux décennies irréprochables de la discographie dylanienne – on gardera les acoustiques John Wesley Harding (1967) et Nashville Skyline (1969), album country où apparaît Johnny Cash. New Morning (1970) est profondément ancré dans la musique américaine que Dylan n’aura jamais cessé d’explorer tout au long de sa carrière. Les Basement Tapes (1975) – double album d’abord non officiel, enregistré en home studio avec son meilleur groupe The Band – illustre ce profond intérêt. Planet Waves et Blood On The Tracks, respectivement publiés en 1974 et 75, suivis par Desire (1976) sont, dans une moindre mesure que celle des 60’s, la deuxième trilogie marquante de l’œuvre Dylanienne. Slow Train Coming (1979) raconte la conversion chrétienne de Dylan et lui vaut un Grammy Award pour le titre « Gotta Serve Somebody ». Il clôt cette seconde décennie créative et intense. Celle qui suivra sera moins passionnante.
En 1983 sort Infidels, pour lequel on retrouve Mark Knopfler en co-producteur, l’ex Rolling Stones Mick Taylor à la guitare et le duo Sly Dumbar – Robbie Shakespeare section rythmique issue du meilleur de la scène reggae. Infidels qui ne compte que huit titres – dont le hit « Jokerman » – avec Empire Burlesque (1989) et son « When The Night Comes Falling From The Sky », sont les deux meilleurs albums de ces années. Dans cette décennie Dylan se montre beaucoup plus conventionnel qu’il ne l’a été. Les sept albums enregistrés ne se démarquent plus autant de l’ensemble de la production rock de l’époque, menée par une nouvelle vague musicale à laquelle il restera absolument étranger.
Il faut attendre 1997 et Time Out Of Mind, pour réentendre un très grand album. Les ballades orageuses et sombres – « Not dark yet » – produites par Daniel Lanois, ramènent Dylan quinquagénaire vers ces sommets qu’il a fréquentés. Time out of mind représente une des nouvelles formes de la musique folk, ce qu’illustre parfaitement le mordant « Cold Iron bounds ». L’album est nommé disque de l’année 98 et reçoit trois Grammy awards.
Love and Theft (2001) et Modern Times (2006) marquent la première moitié des années 2000. Dylan, accompagné par le guitariste Charlie Sexton – qu’on verra sur scène à ses côtés à partir 2010 – revient à un folk-blues mâtiné de country. En 2009, Together Through Life, dans la même veine que Modern Times, se place premier au billboard. Produit par Dylan sous le pseudonyme de Jack Frost, l’album plonge à nouveau dans la culture musicale américaine et les racines blues – écouter « Shake Shake Mama » le confirme. Sa production est un écho lointain des Basement Tapes – « I feel a change coming on » – et on préfère nettement Dylan dans ces formes plutôt que dans celles des deux décennies précédentes.
Tempest (2010) et Shadows In The Night (2015) qui est un album de reprises, sont hautement recommandables. A nouveau produit par Dylan, Shadows In The Night est un superbe recueil de très grandes chansons interprétées avec toute l’ambiguïté et la retenue du chanteur. La voix est enrouée, profonde et mélancolique, qui rend chaque titre absolument pénétrant. Une nouvelle forme de Self Portrait, par un artiste de 74 ans qui ne s’est jamais arrêté de nous dire la nature humaine et toutes ses émotions.
1965-1966 : De Bringing It All Back Home à Blonde on Blonde
En 1965, Dylan a quatre albums derrière lui. Des folk songs américaines d’un style qu’il renouvelle, né de l’héritage de Woody Guthrie, son premier idole avec Presley et le bluesman Robert Johnson. Ces LPs, sortis chez Columbia, lui ont rapporté une notoriété grandissante auprès de la scène folk issue de la sphère New Yorkaise et il est resté un temps sous la haute protection de Joan Baez. Il compte trois hits majeurs (« Blowing In The Wind », « The Times They Are A Changing » et « Don’t Think Twice It’s Alright »), mais commence à se sentir à l’étroit dans le milieu des protest singers et dans un format musical joué depuis 1961. Stylistiquement, son écriture tient des auteurs de la beat generation. Il a lu Sur La Route de Kerouac en 1959 et il fréquente Allen Ginsberg, poète beat et performer. Il s’intéresse également aux auteurs français, poètes symbolistes, comme Apollinaire, Baudelaire et Rimbaud. Ces deux tendances mêlées vont orienter les formes de son écriture des mois à venir. Entre temps, il est allé en Angleterre, y a rencontré les Beatles, a écouté « House Of The Rising Sun » reprise par les Animals. De l’autre côté des États Unis, la côte ouest voit apparaître les premiers groupes pop ou psychédéliques comme les Byrds, qui expérimentent un songwriting plus électrique. Dylan, fin 1964 – début 1965, prépare son nouvel album et il a envie d’électricité.
Bringing It All Back Home ouvre une trilogie qui constitue le premier sommet artistique de l’œuvre Dylanienne. Les premières sessions ont lieu fin 1964. On y trouve « Subterranean Homesick Blues », « She Belongs To Me », « Sitting On Barbed Wire Fence », « Outlaw Blues » et le long et halluciné « Bob Dylan 115th Dream ». Toutes sont d’abord enregistrées en acoustique au piano et à la guitare. On aurait sans doute pu en rester à ces versions si Dylan n’avait manifesté l’envie de les reprendre différemment. Avec Tom Wilson, producteur de l’album, il convoque des musiciens des studios Columbia et la plupart des titres sont retravaillés en versions électriques. Du 13 au 15 Janvier 1965, Dylan et Wilson produisent le premier album d’un nouveau genre baptisé Folk-Rock. Bringing It All Back Home sort le 22 Mars 1965. Il propose une face électrique et une autre acoustique. Le photographe Robert Kramer réalise la pochette de l’album, laquelle montre un Dylan intrigant, dont le regard nous questionne. La photographie est prise dans un intérieur où l’on relève une incroyable quantités d’objets (rapporter tout à la maison), l’épouse d’Albert Grossman (manager de Dylan) posant en arrière plan. Dans une tenue entièrement rouge, aussi sensuelle que distante, ce personnage féminin sur une méridienne avec accoudoir, au bout de laquelle se tient Dylan au premier plan, rajoute au mystère de l’image, très éloignée des pochettes traditionnelles de Columbia. Parmi les revues jetées et les objets épars, l’œil curieux remarque un 45 tours de… Françoise Hardy. Clairement, Dylan nous conduit dans un nouvel univers, beaucoup plus complexe que ceux de ses précédents opus. Avec Bringing It All Back Home il redéfinit les codes et les thèmes de ce qui peut être abordé dans une chanson. « Subterranean Homesick Blues », à la vidéo promo fameuse, est un hit. Les chansons telles « Maggie’s Farm », « If You Gotta Go, Go Now » qui tranchent avec son répertoire des disques précédents, sont nettement rock et nous emmènent dans un univers bancal qui verra son acmé avec Blonde On Blonde.
Pour Highway 61 Revisited, Dylan s’entoure immédiatement d’un groupe de musiciens rock. On voit apparaître Al Kooper (guitare et orgue Hammond) et surtout Mike Bloomfield du Paul Butterfly Blues Band, jeune et brillant guitariste électrique qui illuminera tout l’album. « Highway 61 » est enregistré aux studios Columbia de Manhattan du 15 Juin au 4 Août 1965. Les producteurs en sont Tom Wilson et Bob Johnston, et la couleur folk disparaîtra complètement de la production. Highway 61 Revisited évoque la route éponyme qui traverse les États Unis du Nord au Sud et passe par Duluth, ville natale de Robert Zimmerman, alias Bob Dylan. Ce titre est annonciateur d’un départ et de paysages traversés. Il est un hommage à Kerouac et à un mode de vie en mouvement, qui est celui de Dylan à ce moment de sa vie. « Like A Rolling Stone » avec son coup de caisse claire qui claque sur le premier riff, ouvre l’album de la manière la plus brutale. Dylan chante : « Once upon a time you dressed so fine, you threw the bums a dime in your prime, didn’t you ?« , premier vers mordant qui démontre que dans la société américaine moderne, rien ne saurait jamais être acquis. Cette chanson phare à la durée inhabituelle – 6’12 – est la première écrite et composée par Dylan. Les autres le seront au début des sessions studio. Toutes ont des textes époustouflants et sont interprétées sur les chapeaux de roue d’un blues rock cinglant (« Highway 61 », « Tombstone’s Blues », « From A Buick 6 »). En Juillet, Dylan interrompt les séances et participe au festival de Newport. Il donne le 25 du mois un concert resté célèbre. Une partie de sa prestation est acoustique mais il se saisit ensuite d’une Fender Stratocaster. Les réactions sont au minimum mitigées, au pire hystériques, certains fans criant à la trahison. Dylan n’en a cure et il a raison. Le public suivra et un autre arrivera. Les sessions reprennent et des titres aussi dérangés que « Ballad of A Thin Man » et son piano bancal (repris par les Byrds) sont enregistrés. « Just Like Tom Thumb’s Blues » est du même ordre : « Tous ils avaient dit qu’il seraient derrière moi quand la partie s’échaufferait, mais c’était moi le dindon« . Le long « Desolation Row » est une tentative de transformer en chanson les rumeurs de la ville. Il s’agit d’une masterpiece dont l’auditeur ne peut tout saisir instantanément, tant les métaphores sont nombreuses. Par l’ indéniable poésie du texte, la mélodie du chant et celles des deux guitares, Dylan nous offre une pure œuvre d’art. Quand on l’interroge il déclare : « Il ne s’agit pas de comprendre ce que j’écris, mais d’en saisir le sens« . Ce qui est exactement ce à quoi il faut s’attendre à la rencontre d’un texte poétique.
Ce qui d’emblée retient l’attention quand on découvre le double LP Blonde On Blonde, c’est sa pochette à la photographie floue. Cette image de Jerry Schatzberg, alors photographe de mode estimé et qui deviendra réalisateur dans les années 70, montre un Dylan renfrogné, le cheveu devenu long et mal peigné, dans un manteau boutonné au col noué d’une écharpe. Ce cliché très flou est évidemment intentionnel. Il est une façon de dire « Vous pensiez me connaître, mais rien n’est moins sûr ». Soit une autre forme du « Je est un autre » de Rimbaud, lequel est sans doute le fil rouge des trois albums du milieu des années 60. Dylan déroute et c’est son intention. Blonde On Blonde sortira en mai 1966. Il est commencé en octobre 1965 avant d’être bouclé début mars 1966. Bob Johnston est à la production et Dylan s’est entouré des Hawks (qui deviendront The Band, son groupe de scène de l’été 65). Mais les Hawks se révèlent bien moins habiles en studio, malgré les qualités de Robbie Robertson (guitare) et de Levon Helm (batterie). Les premières sessions ne sont pas convaincantes et les atermoiements nombreux, comme en témoignent les versions des titres regroupées dans le volume 12 – 1965-66 – des Bootlegs series. Dylan et Johnston ne trouvent pas le son désiré, ce qui incite le producteur a orienter Dylan vers les studios Columbia de Nashville. Il les rejoint en Février 1966, pour y retrouver Charlie Mc Coy (guitare), Al Kooper (orgue), Joe South (guitare et basse) et l’excellent batteur Kenny Buttrey qui l’accompagnera sur les quatre albums qui suivront. A son arrivée à Nashville, Dylan reste seul pour composer d’autres titres. « 4th Time Around », « Visions Of Johanna » et l’épique « Sad Eyed Lady Of The Lowlands » (qui occupe toute la face 4 du double vinyle) sont écrits dans les studios où il s’est enfermé sans musiciens. Le rageur « Stuck Inside Of Mobile », devenu un classique, est enregistré le 17 février, troisième jour de la première session dans le Tennessee. Dylan repart en tournée avec The Band qui n’est pas convié à ces sessions, et revient en Mars. Il reste dans sa chambre d’hôtel, compose au piano et le fidèle Al Kooper vient aux informations, pour rapporter aux studios les morceaux en construction. Du 8 au 10 Mars, six titres sont écrits et enregistrés. Il s’agit de « Absolutely Sweet Mary », « Just Like A Woman », « Pleding My Time », « Temporary Like Achilles », « Rainy Day Women » et « I Want You », ces deux derniers deviendront des hits. A sa sortie, Blonde On Blonde, malgré sa longueur, est un véritable succès commercial qui propulse Dylan encore plus haut dans le vedettariat. Côté critique, il est très bien accueilli. Le journaliste Bill Wyman écrit que l’album est « un carnaval (…) véritable catalogue des émotions humaines ». Greil Marcus, toujours lui, décrit ainsi l’album : « Blonde on Blonde est le son d’un homme essayant de tenir debout sur un bateau saoûl, et qui un moment y parvient. Son ton est acerbe, apeuré, menaçant, comme s’il se réveillait et comprenait qu’après avoir payé toutes ses dettes, la situation n’est toujours pas résolue ». Ce qui est on ne peut plus juste. D’une certaine façon, Dylan la résoudra quelques mois plus tard, risquant la réponse définitive, avec un accident de moto sur sa Triumph Bonneville. Cet arrêt brusque dont en vérité on ne sait pas grand chose – a t-il ou non frôlé le grand passage ? – le conduira à une réorientation artistique, s’il ne choisit pas, à contrario de Rimbaud, d’arrêter là toute production après avoir volé trop haut lui aussi.
En guise de conclusion
« Sooner or later, one of us must know, that i really did try to get close to you«
(« One of us must know », 1966)
Qu’on apprécie ou pas Dylan, qu’on pense qu’il soit logique ou non qu’un jury littéraire prestigieux lui octroie un prix d’ordinaire attribué à des écrivains de formes classiques, ne change absolument rien factuellement. Dylan est un des plus grands artistes de la deuxième moitié du XXème siècle et de ce début du XXIème, où il reste toujours actif à plus de soixante dix ans. Le personnage a pu dérouter et déroute encore : pourquoi ce silence à l’annonce du Nobel ? Ceci est une constante de l’homme et de l’artiste. De l’artiste surtout. Car pourquoi voudrait-on que l’artiste soit aussi un gentil garçon, plein de bons sentiments, docile à tout ? Dylan est indocile et c’est ce qui lui a permis de devenir Dylan. Il ne demande rien, n’a jamais suivi les courants ou les modes, s’est défié de la reconnaissance : « Tu n’as pas besoin de monsieur météo, pour savoir d’où vient le vent ». Il suffit donc de lire ces textes, les exemples cités ci dessus sont éclairants. Dylan est en quête de vérité, a toujours tenté de comprendre le monde de ses contemporains et de le traduire à sa façon, dans un langage et des formes qu’il a su fusionner, musicales et littéraires, s’adressant finalement à tous avec attention, mais sans les concessions usuelles. Sa grâce est d’y être arrivé longtemps, et plusieurs fois à des sommets rarement atteints par d’autres. Unique.
Peintre et guitariste, adepte de Telecaster Custom et d’amplis Fender. Né en 1962 – avant l’invention du monde virtuel – pense que la critique musicale peut-être un genre littéraire, objet idéal pour un débat en fauteuil club millésimé.