« Un bon batteur est un batteur mort! »…Bon sang qui m’a dit ça un jour ? Dans les groupes de rock , de pop, de soul que sais-je encore, le batteur est la pièce maîtresse de l’ensemble. C’est lui qui tient l’édifice ou qui le fait s’écrouler. Tout le monde vous confirmera ça, à moins de n’ y rien comprendre et de préférer les machines à rythmes plutôt qu’un gars tenant des baguettes entre ses doigts, pour frapper, au bon tempo, des peaux tendues sur des fûts circulaires. »Picking up sticks » nous dit un certain Paul Weller…
A l’heure où les Rolling Stones sortent un nouvel album – plutôt bon- paraît la bio de Charlie Watts , qui fût le batteur du groupe de 1963 jusqu’à sa mort il y a deux ans. Le livre a été écrit par le journaliste Paul Sexton qui a longuement interviewé le batteur défunt.
Dans cette biographie intitulée Charlie Watts, l’antirockstar, illustrée de nombreuses photos plus ou moins rares, Sexton, utilisant la matière de longues interviews, raconte l’homme et le musicien. L’histoire de celui qui aimait le jazz, les Cévennes et les chevaux et ne céda jamais aux écarts de ses compagnons Jagger/Richards qui, pour l’occasion, se fendent chacun d’une préface bien sentie.
« Charlie Watts restait dans sa chambre d’ hôtel lors des tournées » déclarait Bill Wyman, bassiste retraité des Rolling Stones depuis la fin des années 1990. « Il dessinait les murs de sa chambre pour s’occuper et fût l’homme d’une seule femme » rajoute t- il , en très fiable historien du groupe de Dartford et Londres. On le croit sur parole.
Watts fut un homme aussi discret et calme, qu’ il fût un batteur essentiel pour la structure musicale des Rolling Stones. Venue du blues, elle connut beaucoup de déclinaisons mais Watts ne défaillit jamais. Nul besoin d’être démonstratif pour être efficace. Ceci pourrait caractériser Charlie Watts – entre autres qualités – dont le jeu et la frappe sont toujours restés très identifiables. Si la guitare de Keith Richards est une signature. La batterie de Watts en est une autre.
Musicien accompli, le batteur conduisit également une carrière en solo essentiellement orientée autour de la musique jazz. Jazz qui fût la première passion de celui qui ne savait pas vraiment à quoi ressemblait la musique des garçons menés par un blondinet nommé Brian Jones, quand il les rejoignit sur les conseils d’Alexis Corner. L’illustre agitateur de la scène blues londonienne du tout début des sixties, ne se trompait pourtant pas beaucoup , lorsqu’il laissait entendre au jeune batteur un peu dubitatif, qu’il y aurait sans doute là quelque chose à faire. Si Jones perdit trop vite son chemin, Watts, quant à lui, tint bon le cap, épaulé par le mutique et taciturne Wyman. Jagger et Richards pouvaient vagabonder tranquilles.
Souvenir: Il y a fort longtemps, je tombai nez à nez avec Charlie Watts. Il était seul, un piéton dans une rue du centre ville de Nîmes. C’est à dire pas très loin de sa maison cévenole de Thoiras. L’homme était mince, élégant, souple et d’allure discrète.Dans la quarantaine, pas très grand , avec rien de l’ostentation supposée d’une rock star, en effet. Je crois qu’il voulait aller à la mairie…Nous étions l’ un en face de l’autre, exactement, dans cette petite rue. Je tenais un disque sous le bras, acheté chez le disquaire tout proche. Je n’ai pas retenu ma surprise et c’était une sorte d’émerveillement pour moi qui avait vingt et un ou vingt deux ans. » Hey, Charlie Watts! » ai je fait ébahi . Et Charlie, ce jour là, m’a souri me faisant un petit signe amical de la main. Une main de batteur. Une main de rock star aussi. Mais qui n’en goûtait pas la grandiloquence.Il faut le croire… La sagesse des hommes calmes. Parfait.
photo : Charlie Watts en 1965 par Owe Wallin.
Peintre et guitariste, adepte de Telecaster Custom et d’amplis Fender. Né en 1962 – avant l’invention du monde virtuel – pense que la critique musicale peut-être un genre littéraire, objet idéal pour un débat en fauteuil club millésimé.