Rock et musique populaire ( ou traditionnelle) turque, est-ce que cela vous dit quelque chose? Pas sûr… Le nom savant de cette fusion est « musique anatolienne », genre apparu dans les années 1960 avec des artistes comme Cem Karaca, Barış Manço, Erkin Koray, Murat Ses ou le groupe Moğollar qui l’ont rendu familier au public des bords du Bosphore avant de l’exporter quand l’intérêt pour la world music s’est peu à peu développé.
Baba Zula sont aujourd’hui les ambassadeurs du style, actifs depuis les années 1990, et ils ont sorti à l’automne 2024 Istanbul Sokaklari ( ne me demandez pas de traduire, mais je crois que cela signifie les rues d’Istanbul), un album époustouflant chargé d’une extraordinaire énergie qui secoue l’auditeur à son écoute. La session de rattrapage s’imposait – puisque j’avais oublié ce disque dans un coin de l’ordi -, d’une nécessité évidente après la découverte de cet opus batailleur et accrocheur. Immédiatement, je me suis senti entrainé dans une transe d’obédience psychédélique qui ne faiblit pas d’un bout à l’autre des titres et j’ai aimé. Du Cornershop grande époque mais en plus musclé, dirais- je, si j’osais comparer mes sensations avec l’effet que produisit sur moi à sa sortie (1997) le génial When I Was Born for The Seventh Time du groupe des midlands mené par Tjinder Singh aux origines indiennes . Globalement je me suis retrouvé sous l’orage, la métaphore me paraît juste, mais je n’ai pas recherché d’abri. Au contraire.
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photo par Tankut Kilinç
Les morceaux sont aussi rythmés qu’hypnotiques. Le son nous saisit et c’est un groove nourri de percussions turques, d’électronique, de basses bien rondes qui font danser, d’instruments électriques – traditionnels ou non -, cet ensemble foisonnant portant un chant masculin/féminin partagé. İstanbul Sokaklari est un disque de psych-rock expérimental, s’il faut lui coller une étiquette, une déclaration d’intentions sonores qu’on perçoit comme engagées ( en tous les cas artistiquement). Baba Zula sont ce genre de groupe et de musiciens qui ouvrent des voies et vont de l’avant, grâce à une approche rock et contemporaine qui se souvient d’une culture tout en agissant pour la transformer. Bref, comme il en faudrait plus souvent quelle que soit la niche musicale d’origine …
Le collectif turc , récemment en tournée européenne, avance sur un strict plan musical dix longueurs devant tout ce que j’ai pu entendre – à quelques exceptions près – depuis quelques mois. Il est de plus évident que sous la musique, les mots ont du sens et véhiculent un propos éminemment politique… Je ne saurais que trop vous conseiller ce nouvel album (rattrapage fait!).
https://baba-zula.bandcamp.com/album/baba-zula-i-stanbul-sokaklar?from=embed
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Peintre et guitariste, adepte de Telecaster Custom et d’amplis Fender. Né en 1962 – avant l’invention du monde virtuel – pense que la critique musicale peut-être un genre littéraire, objet idéal pour un débat en fauteuil club millésimé.