Interpol ne fait plus autorité et Artic Monkeys s’américanise
Bon. Avant de rentrer dans l’arène de cette soirée qui laissera les plus exigeants sur leur faim (j’en suis), il est bon de savoir que le festival nîmois a dû avaler une montre suisse de haute précision avec prématurément Interpol sur scène à 20 heures tapantes et presque trébuchantes pour celui peu empressé, qui, à contre temps de l’horaire officiel, se retrouve privé pour moitié du set des New-Yorkais. Il ne fallait pas badiner dans les rues de l’antique cité gardoise, comme se garder de toute anticipation personnelle sur la temporalité de l’instant. La sanction est forte. Renseignement pris dans le voisinage immédiat des vomitoires de l’amphithéâtre : nous ne connaîtrons pas en live la primeur des quatre titres du nouvel album à paraître en septembre El Pintor : « Pas terribles en plus ces nouveaux morceaux… » m’indique un fan posé à deux séants du mien. « Ah bon, non !!!! ». Un autre coup sur la tête.
Donc, c’est au milieu de cette rencontre découpée en pièce, que nous retrouvons Interpol embarqué à faire passer « Obstacle 1 » ou encore « PDA » (morceaux emblématiques de Turn on the Bright Lights)… Et autre très désagréable surprise, les plats qui se succèdent sur le plateau géant au noir profond semblent réchauffés – même si des souvenirs me transportent à l’Espace Julien (2000) où Interpol avait scotché son monde par l’entremise de la fraîcheur de leur nouveauté et d’un son d’une rare élégance empreint de pureté. Quatorze ans plus loin, Interpol serait-t-il en passe de ne plus faire autorité sur la scène mondiale? Non, je ne veux pas croire à ce sentiment qui commence à se faire jour sous un ciel menaçant. Mais c’est pourtant ce qui est en train de se jouer en ce mardi 8 juillet, alors que dans un autre monde une certaine Mannschaft écrit une histoire elle aussi inédite en pliant tous les pronostics. Mais, pour Banks et les siens, l’ambiance devient lourde, comme des chaussures à crampons chargées de trop de bis repetita. La fosse nîmoise remplie pour l’essentiel de dociles jeunes félines et gladiateurs pacifiés (idem pour les hauteurs) fait d’ailleurs grise mine et seuls peu de clappements viennent ponctuer les conclusions de chaque titre. L’impatience gagne, les trois quart de l’arène veulent visiblement passer à autre chose. La mise à mort est prononcée et Banks et consorts rendent souffle. L’heure nouvelle est venue pour Arctic Monkeys.
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Arctic Monkeys sous les feux des rampes
Après foot, si on parlait boxe? Le résultat se révèle tout aussi cinglant, « uppercutant » même. L’Anglais gagne par KO technique l’Américain dès les premiers accords de « Do I Wanna Know ». Interpol est déjà oublié de tous. Triste état de fait. Alex Turner et ses compagnons n’ont qu’à dérouler une pop moins… brit qui s’américanise un tantinet (dans son fond et par sa forme surtout avec un truc un peu trop Show) mais les titres forts sont bien là, parfaitement en place : « A Certain Romance », « Arabella », « Brianstorm » et tutti quanti… Oui, Arctic Monkeys trône au sommet d’une maîtrise que l’on savait précoce. Tout leur est facile. Même une série de fausses notes aurait passée sans que personne n’entende quoi que soit, aveuglé par un son fort et un set de lumière pour le moins brillant, aveuglant parfois. A partir de là, que rajouter de plus ? A l’applaudimètre les Britons sont les champions incontestables de cette nuit gardoise. Les imperators de Sheffield ont eu raison de la Plèbe.
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Et, alors qu’au sortir de cette battle musicale, sur les écrans géants de débits de boissons très en vus de la préfecture gardoise, la note est de plus en plus salée pour la nation brésilienne et les amoureux des Auriverdes, ce contexte nous fait vite passer à la vraie actu… Mondiale. Poussant plus loin ce pont entre foot et rock’n’roll, et en échafaudant un remake purement imaginaire de la coupe du monde de 1966, ce sont les anglais de Sheffield qui auraient gagné face à ceux qui soit disant ne perdent jamais.
Article & Photos : Didier Bagnis
Peintre et guitariste, adepte de Telecaster Custom et d’amplis Fender. Né en 1962 – avant l’invention du monde virtuel – pense que la critique musicale peut-être un genre littéraire, objet idéal pour un débat en fauteuil club millésimé.