On ne sait pas encore si Louisa et Camille Bénâtre, la soeur et le frère d’Alone With Everybody ont choisi le nom de leur groupe après avoir lu le poème de Charles Bukowski ou écouté le premier album solo de Richard Ashcroft. Ce qui est par contre manifeste, c’est que les deux jeunes toulousains possèdent déjà un véritable talent pour composer et susurrer en anglais une folk pop dépouillée et sincère, doucement saupoudrée de références de très bon aloi, souvent émouvante et addictive. Car si leur premier album appelée Isolation Row est sorti voici depuis quelques mois et a donc pris son temps pour s’installer dans nos cortex, il conserve, après tout ce temps, le même attrait de nostalgie gracieuse.
Déjà sur le morceau d’introduction, « Ain’t Got No Time To Lose With My Baby », la voix de Camille charme avec ses intonations de crooner timide. De sa thématique jusqu’à l’atmosphère parfumée aux embruns maritimes sur fond de soleil couchant, « Shopping By The Sea » évoque étrangement mais pourtant directement le « Your Daddy’s Car » de The Divine Comedy, à la manière d’un remake qui délaisserait le baroque pour une sensibilité à fleur de peau, tout en retrouvant la même évidence de mélancolie salée et troublante. « No Regrets », emporté par le piano de Louisa, est une balade épurée aux meilleurs airs d’Elliot Smith, qui, sur le thème ultra rabâché de l’amour non partagé, remporte l’adhésion avec ses sentiments raclés jusqu’aux os et le pathos juste nécessaire dans la voix.
En trois morceaux, Alone With Everybody a dévoilé un tiercé gagnant et de premier choix qui finalement, se révèlera peut-être comme le principal handicap de ce premier album. Car force est de reconnaître que ces trois premières chansons toutes baignées dans cette séductrice délicatesse, ce travail d’artisanat particulièrement habile et inspiré, ont tout de même tendance à éclipser les mérites du reste de l’album. Qui plus est, leur enchainement, dès le premier tiers de l’album, accentue cette sensation de déséquilibre. Si les autres morceaux sont tout à fait respectables et qu’il apparaitrait totalement injuste de ne pas apprécier à leur juste valeur les sonorités plus enlevés, quasi McCartney de « A Brief Breath of Spring », les claviers et l’atmosphère doucement seventies aux flous presque Hamiltoniens de « Eyes Blurred with Tears », le chant à l’emphase très (dans mon souvenir) Bill Pritchard de « Ghost Free House » jusqu’au poème déclamé (mais avec heureusement moins d’éclats de bobo dedans) façon Arnaud Fleurent Didier de « My Love Grows », si l’émotion reste constamment en ligne de mire, nous n’y retrouvons rien d’irrémédiablement et immédiatement charmeur comme le trio de tête d’Isolation Row.
Il n’y a pas grand chose à rajouter sur les qualités de ce disque qui va à l’essentiel, sans s’embarrasser des fioritures (ici, pas de chanson au delà de trois minutes), privilégie avec doigté une émotion intimiste et reste continuellement parcouru par les incontestables capacités des deux musiciens si ce n’est un conseil que Louisa et Camilla choisiront ou non de suivre: lors d’une partie de cartes, il est toujours malvenu de déposer tous les as de son jeu dès le début de la partie.
[soundcloud url= »http://api.soundcloud.com/playlists/4262972″ params= » » width= » 100% » height= »450″ iframe= »true » /]
Grand consommateur de Baby Carottes et de sorbets au yuzu, j’assume fièrement mon ultra dépendance au doux-amer, à l’électropop bancale et chétive, aux musiciens petits bras ainsi qu’aux formes épurées du grand Steve Ditko. A part cela? Il y avait péno sur Nilmar.