Il faut que je le dise avec honnêteté, Aline n’avait au départ pas grand chose sur le papier pour séduire un vieux grincheux comme moi. Son nouveau patronyme en premier lieu (qui sans que je puisse y faire quoi que ce soit, me rappelle immanquablement la moustache de Christophe – pas le plus sexy des souvenirs d’enfance, tu admettras) qui a tout de même remplacé avantageusement l’ancien, après qu’un fabriquant de pneus Clermontois (qu’on ne citera pas par crainte de représailles) ait eu la (bonne et) vilaine idée de les menacer de leur coller procès aux fesses. Les deux premières prestations live dont j’ai eu la chance d’être témoin, un peu trop distrait pour y porter un regard vraiment objectif, je l’avoue, et gêné par cette batterie qui sonnait « bien trop comme une boite à rythme » – n’avaient pas non plus joué en faveur du quintette marseillais (Quoi?! Mais on fait autre chose que du hip-hop à Marseille?).
Et puis voilà, il aura fallu le hit interplanétaire « Je bois et puis je danse » et un concert au marché gare (en première partie de Motorama) pour que je comprenne que je me trompais depuis le début : le hors sujet classique, presque aussi dantesque que celui de ma première dissert’ de philo. La musique d’Aline, derrière ses airs de pop anglaise, doit autant à la française, celle des années quatre vingt où l’on n’avait pas peur d’écrire une chanson sur le type tout bourré qui – ne doutant aucunement de ses chances – se lance dans la veine conquête de la reine de la fête. Ici, c’est sur fond de partie d’échec, et donc – inévitablement, comme le roi vaincu – que le pauvre et hardi bonhomme finira par s’effondrer sur le carrelage. Mais chut, ne dévoilons pas la fin.
Le thème et les paroles délicieusement rétro font sourire, la musique fait le reste : riffs funk délicatement chorusés, basse slappée, nappes de claviers audacieuses : pas tant dans les traces laissées par Elie et Jacno ou Taxi Girl, dont il est souvent question ces temps-ci, mais plutôt par quelques groupes oubliés au succès éphémère (on pense à Gamine, ou les Avions) avec lesquels on imagine bien Romain Guerret et ses acolytes avoir grandi pour en distiller ces ambiances joyeusement kitsch, ressuscitées du temps où l’on n’employait pas les mots « crise » et « pouvoir d’achat » tous les jours – et les remettre astucieusement au menu de leur disque. Mais au jeu des influences, Aline va un peu plus loin, conscient peut-être que le revival a ses limites, mais pas de frontières. A l’écoute de « Les Copains », titre d’intro instrumental (quoi de mieux pour ouvrir le bal?), et de « Regarde le ciel », meilleur titre de l’album proclamé par votre serviteur, on pense inévitablement aux Cure des débuts (Seventeen Seconds, disque pour lequel je garde une affection constante) ; sur « Teen Whistle » c’est un vent léger de surf music qui vient souffler sur les textes de Guerret, alors que « Voleur » va lorgner, de façon plus directe et évidente, du coté des Smiths et d’Orange Juice.
Au final – et même si on a quelques mois à s’en rendre compte – le bilan est plus que positif : voilà un groupe qui, quoi qu’on en dise, ne révolutionnera ni la chanson française (et c’est dommage, elle qui en aurait tant besoin), ni la pop d’outre-manche, mais qui a su, en prenant son temps (certains des titres datent des débuts du groupe en 2010), piocher intelligemment dans les deux sacs pour se tisser un répertoire des plus agréables à découvrir. Il fallait ouvrir cet œil nouveau sur la musique d’Aline pour apprécier la musique du groupe en concert, pour peu que l’on arrête de jouer les cancres du dernier rang et qu’on se montre un peu plus attentif.
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cultive ici son addiction à la musique (dans un spectre assez vaste allant de la noise au post-hardcore, en passant par l’ambient, la cold-wave, l’indie pop et les musiques expérimentales et improvisées) ainsi qu’au web et aux nouvelles technologies, également intéressé par le cinéma et la photographie (on ne peut pas tout faire). Guitariste & shoegazer à ses heures perdues (ou ce qu’il en reste).