C’est l’une des sorties de 2013 qu’on attendait : Vertikal, sixième album studio des Suédois de Cult Of Luna faisant donc suite à Eternal Kingdom (2008). Après quinze ans d’existence qui en ont fait l’un des pionniers de la scène post-metal, le groupe d’Umeå continue sa mutation au travers de plus d’une heure de musique hybride et polymorphe, inspirée (sans pour autant en faire un concept album) par l’univers graphique et moderne du film de 1927, Metropolis (on peut y voir un certain rapprochement avec l’artwork) : un des premiers films de science-fiction dans lequel est dépeinte une ville dont le confort des habitants les plus fortunés est assurée par les ouvriers travaillant dans ses souterrains.
Que les amateurs se rassurent, le chant rauque et guttural de Johannes Persson fait toujours partie des ingrédients (et ceux que ce type de chant hérisse n’y trouveront toujours pas leur compte) mais le septet parvient encore une fois à étirer l’éventail des textures sonores qu’il parcourt. Sans doute, il s’est définitivement affranchi de la contrainte de la durée du disque – celle ci dépassant allègrement les soixante-cinq minutes – pour laisser libre cours à sa spontanéité et à son besoin d’expérimentation. « The One », pièce d’ouverture, engage les hostilités sur fond de thème cinématographique au synthétiseur, rétro-futuriste (on pense inévitablement au score de Blade Runner écrit par Vangelis). « I: The Weapon », bonne grosse pièce de boeuf, remet les pendules à l’heure et rappelle à l’auditeur à qui il a à faire, sans surprise, à coups de riffs dévastateurs et de ponts rythmiques vertigineux. C’est « Vicarious Redemption », titre de dix-neuf minutes évoluant lentement d’une intro ambiant assez opressante voire anxiogène – vers un final apocalyptique au torse bombé mais dont le rythme reste soutenu, décuplant la puissance avec laquelle les accords sont martelés. Au cours de ce voyage ce sont plusieurs thèmes qui se succèdent (certains étranges, d’autres ambitieux – comme à 11’20 », allant même creuser dans les réminiscences de l’électro nineties) faisant de ce titre un parcours imposant qui aurait presque pu faire l’objet d’un EP à lui tout seul. Mais on retient de ce titre sa dualité, alliant mélodies à l’esthétisme soigné à des mouvements lourds, inconfortables et plombés, à l’image des deux univers opposés du film de Fritz Lang.
Le reste du disque est tout aussi consistant, et monopolise toute l’attention de l’auditeur – les pièces ambiantes (« The Sweep » et « Disharmonia ») restant anecdotiques. les deux piliers secondaires que sont « Mute Departure » et l’extraodinaire « In Awe Of » ramènent à du Cult Of Luna dans la plus pure tradition, accords distordus en palm-mute mêlés à des guitares aériennes et mélodiques, batteries plombées, longues parties instrumentales. « Passing Through » clôt le disque de façon surprenante, et très réussie, sur une danse lente et progressive entre guitare, claviers et chant réverbéré, comme pour rappeler ce qui fait de Cult Of Luna une formation si fascinante : sa faculté de s’approprier les genres – metal, doom, post-rock – et de les défaire de leurs codes sonores et visuels. Avec Vertikal, les Suédois ont dit « avoir cherché un thème qui pourrait transparaître à travers la musique de manière directe, par des structures linéaires, tout cela sans alourdir le processus d’écriture ». Le résultat, encore une fois, est à la hauteur de nos espérances.
Ecoute du disque en intégralité :
cultive ici son addiction à la musique (dans un spectre assez vaste allant de la noise au post-hardcore, en passant par l’ambient, la cold-wave, l’indie pop et les musiques expérimentales et improvisées) ainsi qu’au web et aux nouvelles technologies, également intéressé par le cinéma et la photographie (on ne peut pas tout faire). Guitariste & shoegazer à ses heures perdues (ou ce qu’il en reste).