Parfois, j’éprouve une sorte de compassion un peu triste pour Adam et Michael, les deux jeunots de San Francisco, musiciens cachés sous le nom de The Bilinda Butchers (en hommage à la guitariste et chanteuse de My Bloody Valentine, ouais ouais, on sait). Leur dream-pop « Lo-Fi » aux accents électroniques, avec sa voix éthérée à moitié couverte par des légères guitares, ses boucles de synthés et ses programmations mécaniques de boîte à rythme, mériterait indiscutablement bien plus d’attention médiatique et populaire. Ami lecteur, c’est à toi que je parle ; le monde marche sur la tête!
Responsables de l’excellent titre « Careless Teens » (number one des singles de 2011 pour notre rédac’chef et 6 chez moi – c’est dire le rare consensus à ce sujet et qui change de nos dangereux règlements de compte à coups de papier-ciseaux) que tu pourras retrouver au coeur du non moins remarquable EP intitulé Regret, Love, Guilt, Dreams sorti l’an dernier et disponible en CD sur le label japonais Fastcut Records, ils reviennent tantôt avec un nouveau mini-album de cinq titres intitulé Goodbyes, distribué cette fois-ci par Discau.
En comparaison de celui du précédent EP, le son de Goodbyes s’est raffermi, a gagné en propreté mais aussi en substance et en certitudes, s’aventurant plus en avant dans le champ de l’électronique. L’atmosphère générale du disque réussit à conserver un doucereux mal-être toujours aussi paradoxalement accueillant et attachant. Le premier morceau, avec son titre en résumé d’une grande partie des obsessions du groupe, « Teen Dream », trace un trait d’union avec Regret, Love, Guilt, Dreams et entre directement dans le vif du sujet en accouplant à nouveau guitares et claviers sur des mélodies manifestes. Le duo « Hai bby », chanté avec Tiny Microphone, louche avec insistance sur des eighties fantasmées, zigzaguant avec suffisamment d’aisance pour éviter la faute de goût rétro. « Crystal Tears » s’impose alors comme le morceau de résistance du disque, moins automatiquement accessible mais toujours poppy. Presque dansant, il décline des paysages musicaux étendus, tandis que « Half Open » apparaît plus contemplatif, reposant sur des ambiances japonisantes que le groupe semble apprécier (écoutez donc « Sigh » sur l’EP précédent). C’est le presque acoustique « Little Leaf » qui ferme le court bal de Goodbyes ; émouvant comme il faut car sans pathos, à la manière justement d’un simple et harmonieux au revoir.
Avec ses envies inconfortables de s’agiter seul et au ralenti, sa prédisposition à s’écouter les yeux fixés au plafond, Goodbyes illustre la mélancolie et la tristesse tenace d’une post-adolescence qui s’observe déjà vieillir, consciente de son impuissance devant le temps qui passe et de la saveur douce amère de l’éphémère.
Grand consommateur de Baby Carottes et de sorbets au yuzu, j’assume fièrement mon ultra dépendance au doux-amer, à l’électropop bancale et chétive, aux musiciens petits bras ainsi qu’aux formes épurées du grand Steve Ditko. A part cela? Il y avait péno sur Nilmar.
WesD4RK
Beaucoup d’amour pour cet article, l’essentiel est dit. Meilleur groupe du monde actuellement.