« Found Love in a Graveyard », « Misery », « Bad Feeling », voici quelques titres de ce premier LP de Veronica Falls qui évoqueraient plutôt, à première lecture, mélodies torves et sombres, et ambiances grisâtres: il n’en est rien, du moins pas sans une mesure habile et une esthétique soignée, qui rend la noirceur apparente du disque délicieusement séduisante. Le groupe brouille même les cartes jusqu’à s’offrir le luxe de sortir leur premier LP à la fois sur Bella Union, label ambassadeur d’une indie folk plutot sombre et romantique (et fondé par les Cocteau Twins) et Slumberland Records, fer de lance actuel de l’indie pop et maison mère des Crystal Stilts et The Pains of Being Pure at Heart.
Ce serait un raccourci facile (que beaucoup se sont autorisés depuis que le single « Beachy Head » est apparu sur la toile il y a maintenant presque deux ans), mais un peu trop rapide, de ne voir en Veronica Falls que la nouvelle sensation pop du moment. On n’ira pas non plus prétendre que le quatuor Londonien a réinventé la poudre, ni qu’il s’est affranchi de tous les codes du genre, mais l’association des sonorités dans lesquelles il va puiser son essence est suffisamment vaste (et inédite) pour attirer l’attention: choeurs mixtes, guitares claires à la sauce surf rock sixties (« Stephen »), un soupçon de post-punk esquissé par les rythmiques de Patrick Doyle (« Beachy Head », « Found Love In A Graveyard »), et puis surtout, des accents 90’s/00’s étrangement familiers, « Come On Over » et ses tambourins nous replongeant dans les beaux jours d’Electrelane, « Misery » dans ceux des Raveonettes, et « All Eyes on You » ceux des Stone Roses. La batterie, les choeurs et la six-cordes, par moments, s’emballent même au galop sur des pistes évoquant avec génie les cavalcades western d’Ennio Morricone (« Bad Feling » ou les choeurs de « The Fountain »).
Mais où l’album tire véritablement son épingle du jeu, et marquera sans doute les esprits, c’est à celui de l’esthétique, les londoniens parvenant à insuffler à chacun de leurs titres un plaisir immédiat dans le charme funeste de leurs histoires. Roxanne Clifford, sans afficher la moindre touche gothique, ne cache pas son goût prononcé pour les cimetières (le clip de « Found Love in a Graveyard » a été tourné dans celui de Hampstead), pour leurs habitants d’outre tombe et autres corbeaux, et il plane souvent sur les personnages de ses chansons une froideur moribonde (« Now my shoulder is only getting colder, trying to remember if you were even real » / « waiting for a letter I know will never get here »). Veronica Falls livre dans son premier album un univers étrangement et joliment macabre, où les vivants tombent amoureux des morts et les rejoignent en se jetant des falaises (le site de Beachy Head est tristement célèbre pour le nombre de suicidés qui se jettent chaque année du haut de ses 160 m) mais dont la tonalité musicale reste résolument enjouée et les mélodies fraîches et accrocheuses. Un contraste savamment élaboré qui fonctionne à merveille sur les douze titres et trente six minutes du disque sur lequel, évidemment, on vous engage à jeter une oreille curieuse.
Ecoutez l’album en intégralité ci-dessous (via Soundcloud).
cultive ici son addiction à la musique (dans un spectre assez vaste allant de la noise au post-hardcore, en passant par l’ambient, la cold-wave, l’indie pop et les musiques expérimentales et improvisées) ainsi qu’au web et aux nouvelles technologies, également intéressé par le cinéma et la photographie (on ne peut pas tout faire). Guitariste & shoegazer à ses heures perdues (ou ce qu’il en reste).