Autant l’avouer tout de suite, je ne peux rien écrire sur la première partie de la soirée puisque celle-ci quittait la scène au moment même où j’entrais dans la salle du Nouveau Casino. J’appris cependant, au moment de repartir, qu’il s’agissait de Veronica Falls – et qu’un tel loupé devrait me valoir au minimum des yeux rouges courroucés de reproches effrayants de la part d’une personne qui a le malheur de posséder les mêmes initiales que notre Président. Pas celui de Groland. L’autre. A ma décharge, Veronica Falls n’était pas annoncé sur le ticket. Et depuis quand les concerts commencent-ils à l’heure indiquée?
Soirée débutant donc sous le signe de l’ignorance, je découvre aussi qu’il s’agissait ici d’un mini-tour d’échauffement pour la sortie du second album de The Drums que d’ailleurs, à l’exception d’un « Money » jugé comme un effort syndical minimum, je n’avais pas entendu. Changement de scène extrêmement rapide mais vitesse d’éxécution fort inutile puisque les Drums aiment faire patienter leur public. Après tout, ce n’est pas comme si je ne devais pas me lever aux aurores le lendemain, les loulous. Et lorsque que finalement, ils débarquent à cinq sur scène, ça ressemble un peu à la revanche des nerds en live: les élèves sont appliqués, les tricots sont repassés; Myles Matheny, accessoirement de Violens et l’un des deux guitaristes, porte fièrement sa tête de poupin au-dessus de sa chemise à carreaux manches courtes, tandis que Connor Hanwick, son homologue de l’autre côté de la scène, tee-shirt noir, coupe de cheveux eighties tendance coldwave, nez posé sur la gratte, ressemble a la définition même de l’autiste social sur lequel les ados aiment jeter des chips. Derrière eux, Jason Graham consigné aux fricotages machines et claviers vintage, mime la musique dans les airs pour un ami imaginaire et sourd. Seul le batteur a l’air d’un véritable américain élevé au boeuf aux hormones. Sans doute parce que pièce rapportée, il a été recruté à l’occasion de la tournée. Mais l’attraction principale reste tout de même le chanteur Jonathan Pierce avec sa tignasse blonde, son petit air efféminé, sa voix juste et parfois assez remarquable, son tee-shirt noir échancré bas sur sa poitrine imberbe, sa danse maniérée. Monsieur se la joue faussement innocemment sex-symbol et on l’imagine bien dans une comédie US, se faire courser par une équipe de football américain perturbée par cette sensualité déviante et androgyne comme il faut, avant de se choper, un air de revanche au bec, lunettes de soleil grand format sur les yeux, les minettes les plus chaudes du bahut.
« What you were », sorti tout droit du nouvel album Portamento, ouvre les hostilités. On constate rapidement que les Drums n’ont rien perdu du talent mélodique remarqué sur leur premier EP et opus et qu’ils enfilent les tubes comme Michael Jackson accueillait autrefois les petits garçons dans son Neverland. Entre mixture surf rock, indie pop eighties et parfois humeur cold wave sur le surprenant « If He Likes It Let Him Do it », pas un morceau qui ne fasse pas bouger les jambes et mouvoir les épaules, dans un arrondi parfois harmonieux pour les autres mais toujours embarrassant pour moi. L’alternance durant le set entre les titres du premier et du second album est presque toujours régulière, mettant en relief l’homogénéité de leur répertoire. Leur pop a cela de particulier que même ultra référencée, elle est immédiatement reconnaissable comme si un espace sonore leur avait toujours été réservé.
Si les compétences techniques scéniques et mélodiques du groupe sont parfaitement mises en valeur, on peut s’interroger sur un supposé malentendu entre le groupe et son public. Lorsque ce dernier s’agite sur « Forever and Ever and Amen », saisit-il réellement le second degré du morceau ou est-il juste emporté par son aspect dansant et ses paroles à l’emporte pièce, qu’il peut alors crier a plein poumons? The Drums est-il juste un groupe à tubes pop ou cache-t-il une ironie que son public ne parviendrait pas à capter? N’y a-t-il pas un décalage entre ce groupe et la manière dont une majeure partie de son audience le perçoit? Lorsque Jonathan Pierce s’adresse au public en lui expliquant : « You make us feel so very special », est-il moqueur, consensuel ou vraiment sincère? Un mec avec sa dégaine, son style, la hype qui entoure son groupe, a-t-il vraiment désormais besoin de qui que ce soit pour se sentir spécial? Et d’ailleurs est-ce que je pose vraiment des questions qui méritent d’être posées ou est-il juste question de danser, de s’amuser ici et maintenant sur un set très compact qui se conclue une première fois par un très rock « How it Ended » pas si éloigné finalement des Strokes.
Le rappel débute avec un « It Will All End In Tears » pour se conclure à la manière du premier album avec « The Future ». Pas de nouveau retour sur scène, les lumières se rallument dans la salle. Et tant pis pour le hit matriciel « Let’s Go Surfing » attendu notamment par les deux abrutis juste derrière moi et dont l’absence, à en juger par leurs cris de douleurs, semblait être l’équivalent d’une séquence de fistfucking. Ceci étant dit, tant qu’il est administré par la poigne savante de Jonathan Pierce, idole de la soirée, cela devrait rester un agréable souvenir.
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Grand consommateur de Baby Carottes et de sorbets au yuzu, j’assume fièrement mon ultra dépendance au doux-amer, à l’électropop bancale et chétive, aux musiciens petits bras ainsi qu’aux formes épurées du grand Steve Ditko. A part cela? Il y avait péno sur Nilmar.