Originaires du Texas tout comme leurs illustres confrères d’Explosions In The Sky, les quatre bonshommes de This Will Destroy You ont davantage souffert de la filiation musicale qu’on a prêté à leur dernier LP en date que de leur proximité géographique avec le groupe sus-cité. De là à prétendre que c’est dans le but de s’affranchir une bonne fois pour toute de ces raccourcis gênants que le quatuor a pris une route pour le moins radicalement différente avec Tunnel Blanket, il n’y a qu’un pas que nous ne franchirons pas. Oubliés, donc, les riffs de guitare cristallins aux delays outranciers et les crescendos évidents…
Dès les premières mesures de « Little Smoke », imposant titre d’ouverture dépassant les douze minutes (et titre le plus long de l’album, qui lui même s’étire durant une heure complète – pas forcément pour le meilleur, on le verra) on sent qu’un travail minutieux a été entrepris pour se détacher des codes et usages du post-rock « traditionnel », dont le premier disque du quatuor (sorti en 2009) s’affublait encore un peu trop au goût de certains. C’est d’abord sur des nappes de claviers et des accords vaporeux aux sonorités mélancoliques autant qu’apaisantes que le morceau débute, laissant rapidement place à un tsunami sonore où guitares saturées se coordonnent brillamment. Couche après couche, c’est un véritable déluge sonore orchestré qui suit, dont l’intensité ne fait qu’augmenter au fil des minutes. Rejoint par des hurlements à peine distinguables, l’épais brouillard sonore installe une sensation de débordement et de submergence, jusqu’à sa lente extinction, et quelques accords de clavier délicats clôturant cet épisode cataclysmique, comme flottant à la surface d’un paysage dévasté par tant de violence. Le reste de l’album se veut un peu plus nuancé, comme « Glass Realms » et « Hand Powdered », où This Will Destroy You joue la carte drone/ambiant et visite avec révérence les jardins de Stars Of The Lid ou MWVM. « Communal Bood » – premier single et instru stellaire, voit le retour de la section rythmique, et le groupe de renouer avec le classicisme architectural du rock instrumental: superposition, amoncellement de guitares, tout en conservant une retenue élégante sur laquelle les compositions s’appuient pour éviter les travers du style que l’on commence à connaître par coeur: montées en puissance, crescendos épiques et écoeurants.
« Killed The Lord, Left For The New World » est peut-être le titre le plus évocateur des jeunes années de TWDY, delays et marche de caisse claire à l’appui. Mais il s’agrémente de gimmicks électroniques et de vibrations apaisantes, et s’octroie ce petit quelque chose qui fait la différence, habillant alors sa musique d’une poésie touchante. C’est peut-être en jouant savamment sur cette corde sensible que les Texans réussissent à signer un album de toute beauté, pas exempt de quelques longueurs certes, ni de titres à l’utilité discutable (« Osario », ou l’ennuyeux « Black Dunes » – n’est pas Godspeed qui veut) mais sur lequel le groupe montre l’étendue d’un savoir faire tout à son honneur et prend sa digne place au milieu de tous les clones post-rock enfantés par les années 2000.
En écoute: « Communal Blood »
[audio:http://girlieaction.com/music/this_will_destroy_you/downloads/Communal_Blood.mp3]cultive ici son addiction à la musique (dans un spectre assez vaste allant de la noise au post-hardcore, en passant par l’ambient, la cold-wave, l’indie pop et les musiques expérimentales et improvisées) ainsi qu’au web et aux nouvelles technologies, également intéressé par le cinéma et la photographie (on ne peut pas tout faire). Guitariste & shoegazer à ses heures perdues (ou ce qu’il en reste).