Découvert en première partie des Asteroids Galaxy Tour (je ne tiens pas à me justifier sur ce coup là mais, sachez-le, j’ai de sacrées bonnes excuses) l’an dernier, Giana Factory est le projet musical de Louise Foo (vocals et accessoirement petite soeur de Sharin Foo des Raveonettes) de Lisbet Fritze (guitares) et Sofie Johanne (basses et claviers). Ce 10 décembre 2009, au Trabendo, on assistait donc un peu à la collision de deux univers (remarquez ici, comme j’évite élégamment le jeu de mots avec galaxies…). Entre l’électro pop glacée aux boîtes à rythmes agressives et guitares saturées des trois jeunes femmes et les mélodies béates et épicuriennes aux cuivres flamboyants de leurs compatriotes Asteroïdiens, c’était un peu l’esquimau débarquant en plein milieu de la soirée de promotion d’étudiants californiens.
Espace particulier donc que celui des Giana Factory (nom semble-t-il tiré du jeu vidéo des années 80 « Giana Sisters ») et qui se révèle au travers de « Bloody Games ». Un titre que l’on trouvera sur le EP du même nom ; morceau matriciel s’il en faut, où les sentiments amoureux se révèlent à l’aide d’une froide découpe au scalpel et d’une analyse chirurgicale. Giana Factory gère les opposés et les contradictions (l’un des titres de l’album s’appelle d’ailleurs justement « Joy and Deception ») pour en dégager son inspiration entre ce corps encore chaud (la voix de Louise Foo à la fois fragile, cristalline et pourtant assurée) et cette méthodique analyse scientifique (ces beats martiaux et ces claviers qui, on le sait depuis Kraftwerk, ont bel et bien une âme). Dans cet environnement electro pop, point ici d’attitude sexuellement aguicheuse comme chez Client ou de tristesse mélancolique teintée d’optimisme comme chez les américaines d’Au Revoir Simone. L’atmosphère se révèle dans un regard à la fatalité toute scandinave; un tumulte des sentiments engoncés dans une chape de glace. Après donc un peu d’attente, leur premier album Save the Youth est sorti voici environ trois mois au Danemark. Si l’ensemble de l’album présente bien sûr un son bien plus lisse et policé que celui des concerts, cette galette permet de découvrir un peu plus l’imaginaire des trois Danoises. L’album débute avec « Mexican »; étrange et lancinante balade parfois truffée de fausses pistes, et aux allures de road movie décliné en grand écart entre le pays de Zapata et celui d’Hamlet. Sans aucun doute, le seul moment d’étrange chaleur de l’album et l’un des titres les moins orthodoxes de l’album. Caractéristique partagée par « Pixelated Truth », morceau qui conjugue electro pop au pluriel en compilant voix passées au vocoder, synthés vintage et autres bip bip du troisième niveau de Mario version NES.
Les flippants « Dirty Snow », crise d’angoisse de l’horreur d’un quotidien froid et blanc et « Darkness », bien nommé et remonté comme une bombe à retardement, achèvent ce constat; pour ce qui est de rigoler, on écoutera Weezer. Même les tubesques « Rainbow Girl » et « Dive » (avec une rythmique empruntée, me semble-t-il, à « It Isn’t Forever » des Field Mice) nous réapprennent à danser la dépression chevillée au corps, chapka sur la tête, patins à glace aux pieds. Du côté des déceptions: « Mountains » aurait été plus approprié et mieux traité chez Au Revoir Simone tandis que la tension sous-jacente de l’album aurait mérité une production plus agressive et moins consensuelle. Mais l’ensemble vaut largement le détour et bien plus que son poids en Mister Freeze ; une musique de saison s’il en est et sans doute l’un des uniques albums où le port de moufles est recommandé pour la manipulation de l’objet. Sous risque d’exquises engelures.
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Grand consommateur de Baby Carottes et de sorbets au yuzu, j’assume fièrement mon ultra dépendance au doux-amer, à l’électropop bancale et chétive, aux musiciens petits bras ainsi qu’aux formes épurées du grand Steve Ditko. A part cela? Il y avait péno sur Nilmar.