Contrairement à ce que pourrait laisser penser son pseudonyme, tout comme le titre du premier de ses opus sorti sur le label Kranky en 2006, Précis – Lasted est le troisième, succédant à Temper, sorti en 2008 – l’homme qui se cache derrière n’est pas du tout Français. Originaire de Portland, Oregon, Thomas Meluch alias Benoit Pioulard compose et enregistre seul ses oeuvres discographiques à partir de field recordings*, auxquels viennent s’adjoindre chanson folk, son ambiants et bruitages inattendus dans une harmonie maîtrisée. Portés par la mélodie, le mélange de tous ces éléments s’avère étonnamment facile à aborder.
L’album débute avec un bruit de train qui siffle au loin, comme pour sonner le départ du voyage auquel on s’apprête à prendre part. Le premier titre se construit lentement autour d’une nappe mouvante de clavier à laquelle se mélangent, ici encore, souffles et interférences discrètes ; l’entrée de la guitare sur « Sault » se fait toute petite elle aussi; la voix de Meluch, elle, embrasse tout au long du disque une douceur introspective et pourtant incroyablement instantanée; il y a une vraie sensibilité pop dans ces chansons, même si la volonté de les emmener vers des pentes plus escarpées et des horizons aux couleurs plus complexes est clairement décelable. Les guitares, livrant la plupart du temps des arpèges assouplies – bénéficient elles aussi d’un traitement particulier, venant appuyer délicatement les fonds sonores façonnés par le multi-instrumentiste. Sa démarche d’expérimentation est donc mesurée, et si certains s’interdisent de céder au format chanson, Meluch, lui, semble se l’imposer – tout en cherchant à s’affranchir des étiquettes de par ses arrangements davantage que par les structures qu’il dessine. Parfois, le rythme s’accélère ou se marque plus fortement, aidé par des boîtes à rythmes et des programmations prenant toujours le soin de ne pas nuire au lyrisme et à la fluidité des morceaux (le magnifique titre éponyme, « Lasted », ou « Shouting Distance »).
Lasted est un disque qui respire, le temps de se ponctuer d’interludes ambiantes et instrumentales – On sent l’homme autant influencé par les récents travaux d’Eluvium ou Fennesz (« Gloss », « Fluoresce » ou le surprenant « Passenger »), que par le songwriting folk d’Eliott Smith ou de Wovenhand (« Ailleurs »). Des visages dans lesquels sa musique se reflète avec égalité et disctinction, jetant un pont habilement tendu entre les genres. Une excellente entrée en matière pour quiconque est familier avec les uns ou les autres – ou souhaite s’y plonger à l’envi pour les (re)découvrir.
(*field recordings: enregistrements, prélèvements de divers bruits d’ambiance, souvent réalisés en extérieur)
En écoute: « Sault »
[audio:http://www.deliciouscopitone.com/wp-content/uploads/2010/10/02-Sault.mp3]
cultive ici son addiction à la musique (dans un spectre assez vaste allant de la noise au post-hardcore, en passant par l’ambient, la cold-wave, l’indie pop et les musiques expérimentales et improvisées) ainsi qu’au web et aux nouvelles technologies, également intéressé par le cinéma et la photographie (on ne peut pas tout faire). Guitariste & shoegazer à ses heures perdues (ou ce qu’il en reste).
Black Day
Un mot : « EXCELLENT »… tout simplement.