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Insight

Bernard Sumner, parcours d’un « low profile genius »

Bernard Sumner vient d’avoir 69 ans. L’ anniversaire, le quatre janvier 2025, de celui qu’on surnomme « Barney », est une date qui relève de l’histoire personnelle, mais aussi, puisque Sumner est une personne publique, est un marqueur de temps d’un intérêt collectif. Un signifiant pour tout fan de longue date de Joy Division et New Order, en général. Plus particulièrement, sans doute, pour celles et ceux qui découvrirent les deux groupes pratiquement à l’instant T… C’est à dire au début de l’histoire ou presque ( l’été 1981 en ce qui me concerne) et la suivirent en temps réel. Une vie avec New Order ?Parenthèse souvenir, les quatre minutes où j’entendis Joy Division pour la première fois, restent à jamais dans ma mémoire, instant devenu intemporel. Il s’agissait du spectorien « Atmosphere », avec son énorme basse en slide, ses roulements de toms de batterie sur lesquels se posait un synthétiseur aussi mélancolique qu’il était alors analogique, recueillant après une introduction à vous retourner les sens, les mots et la voix d’un Ian Curtis plaquant un unique accord de do majeur sur une guitare Vox Phantom, modèle dont aucun guitariste ne voudrait (ou pourrait) jouer sérieusement. Je résume ( mais vous l’avez saisi) : découvrir Joy Division est une révélation quand on a 19 ans… Plus encore si nul ne vous en a jamais parlé avant, parce que le paysage musical tout autour n’a rien en commun avec ce que vous venez d’entendre. Le même ressenti s’applique à New Order. Nous allons voir pourquoi.

Je reviens ainsi à Bernard Sumner qui n’est pas le moindre acteur de cette affaire relevant de l’émotion, de l’art et de l’histoire de la musique dans la pop culture. L’homme est tout d’abord guitariste pour Joy Division ( 1977/1980). Ecraseur de riffs sur SG Gibson standard ou sur une Shergold Masquerader millésimée 70’s, si britannique, instrument devenu pratiquement introuvable aujourd’hui. Ensuite il se fera, à temps partiel, joueur de synthétiseur en kit assemblé à la maison ( faute de mieux et de moyens financiers),  développant l’utilisation de claviers pour Closer, second et dernier album d’un groupe fondé dans l’élan de la vague punk. Le son de Joy Division fût évolutif: ne le lui doit-on pas? Parce qu’il est curieux de sonorités nouvelles, Bernard Sumner porte un intérêt particulier, partagé par les autres membres de Joy Division, pour le krautrock de Düsseldorf, genre musical apparu dans l’industrieuse Ruhr au début des années 1970. Le style est popularisé par Kraftwerk et leur « Trans Europ Express » robotique dont Curtis était un grand fan. Un musicien chercheur, ce jeune Bernard. Pas un guitar hero à proprement parler, mais un garçon attentif au monde musical et déterminé.

Bernard Sumner en 1977 et avec Peter Hook en 1981

Qui est-il et d’où vient-il ? Bernard Sumner ( le nom de sa mère ) est un fils unique ayant grandi à Salford, banlieue ouest de Manchester. La ville est une zone suburbaine reconstruite après la seconde guerre mondiale. Elle est constituée de quartier où les barres d’immeubles ont souvent remplacé les maisonnettes de brique, longtemps traditionnelles d’un habitat populaire urbain et banlieusard du nord anglais. Le garçon puis le jeune homme, discret, reste d’un tempérament réservé. Il ne cherche  pas à se mettre en avant, réussit moyennement sa scolarité puis travaille dès sa sortie du lycée comme employé  dans une agence de communication visuelle, Cosgrove Hall, spécialiste des animations télévisuelles. A dix-huit ans il est toutefois sans véritable projet de carrière ou d’études supérieures à poursuivre. Il ne se pose sans doute pas la question pour ce dernier point… Bien des années plus tard, dans une interview des années 2000, donnée à l’issue d’un concert de New Order au sein d’un établissement scolaire, il déclarera qu’il aurait apprécié à l’âge de dix sept ou dix huit ans, trouver une école préparant aux métiers de l’art. Mais ce type d’établissement n’existait pas au milieu des années 1970, en tous les cas ne se trouvait pas dans son environnement immédiat… L’agence de communication et publicité fût donc un compromis. Temporaire. Aux premiers mois d’existence de Joy Division il garde de cette unique expérience professionnelle hors milieu artistique, un goût pour l’image. Ce qui le conduira à dessiner la pochette du premier ep autoproduit de Warsaw/Joy Division. Non sans ambition, à moins d’une forme de naïveté, le disque est intitulé « An Ideal For Living« … Sur les crédits des pochettes collées à la main,  il apparaît selon les éditions, tantôt sous le pseudonyme d’Albretch ( jeu entre son prénom et Bertol Bretch) tantôt sous le nom de Dicken ( celui de son beau-père).

En 1976 ou 1977, s’il n’est pas franchement devenu un guitariste expert, certains l’ont tout de même entendu et vu jouer « Stairway to Heaven » de Led Zepellin, courbé en arrière, portant les cheveux longs. Bien qu’il n’y ait rien d’exceptionnel à cet exercice auquel un nombre incalculable d’apprentis guitaristes se sont essayés, le prog rock ou hard rock venus du blues étant les genres dominants de cette période seventies, Sumner choisira de prendre un tout autre virage…Pour la coupe de cheveux, ses choix à venir écarteront radicalement l’option coupe mulet ou néo-hippie. Barney a une frange bien coiffée, raie de côté, parfois les cheveux très courts. Avec le temps il passe du châtain au blond ( teinture?) puis au presque blanc. Mais on oublie le hard rock de Led Zep et l’anecdotique question capillaire: le grand choc musical se produit pour lui en juin 1976, lorsqu’il entend et voit sur scène The Sex Pistols, au Lesser Free Trade Hall de Manchester, venu assister au concert en compagnie d’un camarade d’école , Peter Woodhead, surnommé Hooky. C’est à partir de cette date que les deux amis envisagent de former un groupe punk à leur façon, pensant la chose possible en regard de la démonstration des Pistols. Par ailleurs ils n’ont rien à perdre.

Vue de quartiers reconstruits de Salford ( 1977)

« Pour trouver un chanteur nous avons auditionné bon nombre de tarés » déclare Sumner.  » Ian Curtis était le seul non seulement normal mais aussi capable de chanter et d’écrire des textes« .  C’est ainsi qu’il raconte sa rencontre avec celui qui deviendra le charismatique front man de Joy Division. Bernard a vingt ans, conduit une moto pour se déplacer, il vient de faire connaissance de celui qui devient le chanteur du groupe, dégoté par petite annonce, un grand jeune homme pâle qui le dépasse en taille de dix centimètres et habite chez ses parents dans un immeuble aux limites de la petite ville de Macclesfield ( Cheshire) et des collines environnantes. Curtis est un collectionneur de disques, une sorte d’esthète de la petite classe moyenne. Il lui fait découvrir Iggy Pop en passant des disques dans sa chambre: une claque. Sumner parfait encore sa culture. Curtis l’amène à mieux connaître le Velvet Underground dont ils reprendront ( assez mal) le long « Sister Ray ». Un autre garçon s’est joint à eux, un habitant de Macclesfield lui aussi. D’un an plus jeune il s’appelle Stephen Morris et joue de la clarinette et de la batterie. Seule importe la batterie. Il s’en débrouille plutôt mieux que les deux prétendants au poste testés avant lui. Joy Division se stabilise. Le jeune Bernard Sumner compose des parties de guitare essentiellement rythmiques, pendant que Peter Hook qui prend la basse comme bon lui semble, joue a contrario des bassistes standards. Le guitariste Sumner développe une première forme de son style. Il est reconnaissable, associé aux étonnantes mélodies aiguës de la guitare basse. Sur de courtes séquences mélodiques il distord volontiers ses notes avec un effet overdrive. Son jeu s’éloigne  du blues qui a enfermé (relativement) les guitaristes dans des formats. En 1978 et 1979, Barney est sous influence punk et post punk. Elle est audible sur Unknown Pleasures , premier disque diffusé sur Factory Records, label de Manchester dans lequel, quelques années plus tard, les  membres de New Order s’engageront davantage qu’en simples  noms sur un catalogue. 

Bernard Sumner, Ian Curtis, Peter Hook en 1978 au Eric’s Club ( Liverpool). Photo par Tony Rodgers

En 1980, seconde étape d’une évolution, le son de guitare de Sumner change. Pas à cause d’une Les Paul junior qu’il utilise de temps à autres, mais parce que son approche, moins punk, s’est orientée cold wave, terme uniquement français, utilisé pour désigner un style froid, mélange de post punk et de krautrock. Le genre musical est émergent. La critique musicale anglaise le nomme goth ou dark wave. David Bowie en est probablement l’inventeur avec ses albums de sa période berlinoise. Il connaît son apogée avec des groupes tels The Cure, Siouxie and The Banshees, Bauhaus. New Order s’en dégagera fort judicieusement une paire d’années plus tard. Ceci posé, je n’associe ni Joy Division ni New Order, malgré l’aspect introspectif des textes de Ian Curtis, à cet ensemble de groupes souvent caricaturalement lugubres et funestes. Joy Division joua un rock dur et tendu, différent de celui venu des fifties/sixties et des recherches prog . Point. Chez eux, c’est l’évolution musicale qui est notable, pas la morosité… Puis New Order, à partir de Power, Corruption & Lies ( 1983), inventèrent une nouvelle forme de pop music… Le jeu de guitare de Barney Sumner est magnifié sur un single comme « Ceremony »(1981). Par ailleurs, son intérêt pour les claviers est fondamental pour la compréhension de son travail.

Musicien – créateur, les deux qualités sont acquises chez notre homme. Il y a pourtant une chose à laquelle le garçon de vingt quatre ans ne tient pas, en 1980, c’est devenir chanteur. Ni à écrire des textes. Chez lui, l’inspiration n’est pas dans le domaine littéraire. Barney n’est pas un phraseur. Comparez les textes de Ian Curtis, empreints de lyrisme, de poésie expressionniste ( Georg Tralk), de littérature beat et S.F ( J.G Ballard, Burroghs…), plongeant l’auditeur dans des images mélancoliques, complexes et teintées d’une sourde violence, avec ceux de Bernard Sumner : il y a un monde! Sumner exprime les choses comme elles sont quand elles sont, sans métaphores:  » As it is When It Was » (1985). Il y a davantage de concret que de conceptuel dans les mots qu’il livre. Quelques uns sont d’ailleurs écrits collectivement les deux premières années de New Order. Le single « Leave Me Alone » en est un exemple, chaque membre du groupe ayant ajouté une phrase à son tour… N’attendez donc pas de Barney Sumner ce qu’il n’a pas à offrir… D’autre part, dans le domaine du rock, qui dit auteur dit souvent front man ou porte parole/ porte voix d’un groupe. Curtis incarna foncièrement ce rôle. Se retrouver au devant de la scène n’est pas du tout la tasse de thé du natif de Salford. Lui qui portait toutes les années actives de Joy Division des chemises à manches courtes, une cravate nouée au cou et des jeans droits sur des chaussures de ville.  Barney n’a absolument pas le look ravageur, on s’en rend compte en regardant les photos de cette période. Ni llook ni posture rock and roll ne sont typiques. Il est moins extraverti que Peter Hook, son camarade de collège désormais band mate, devenu  un bassiste singulier qui fait presque passer, début 1980, Jean Jacques Burnel des Stranglers pour un enfant de chœur. Sumner est un intranquille, mais un intranquille calme…

Comanche Studio, 6 février 1981 – Images de la première vidéo de « Ceremony »

Pourtant, après le 18 mai 1980 , parmi les conséquences de la disparition aussi violente qu’inattendue de leur chanteur, les Joy Division  en état de choc voient un vide béant au centre de leur trio… Transitoirement chacun s’essaie au chant, sans qu’une véritable solution paraisse évidente. Ce constat préside à la prise du rôle de front man par Sumner. Il relève de plusieurs facteurs. La guitare pouvait être un instrument d’accompagnement permettant de chanter et Gillian Gilbert, petite amie de Stephen Morris, est arrivée en tant que guitariste complémentaire et clavier.  Ceci laisse plus d’aisance au nouveau chanteur.

Cependant le registre vocal de Bernard Sumner était à l’opposé ce celui de Curtis – ce qui n’est pas le cas pour Peter Hook, d’une tessiture plus proche, qui retrouva presque les intonations du chanteur défunt sur « Dreams Never End » introduction de Movement (1981). Ce caractère vocal différent entrainerait un changement inévitable. Dilemme ou appui qui générerait la résilience des musiciens? Très vite le nouveau groupe prend la décision de ne plus jouer son répertoire passé. Ce point de vue, plutôt cohérent,  New Order s’y tiendra – à de rares et tardives exceptions près – dès que la continuité de l’ aventure musicale entreprise en 1977 s’est imposée comme unique choix possible. Nul n’allait revenir à sa vie d’avant…employé ou docker… La position de Sumner front man, avec sa voix « neutre » évitant soigneusement ostentation et pathos, est devenue une évidence comme élément décisif du changement. D’abord hésitant sur Movement, le « chanteur malgré lui » a su créer peu à peu sa propre empreinte. Son chant est une signature de New Order et de l’homme lui-même.  Dans tout artiste il y a un sujet humain et l’artiste révèle le sujet: Bernard Sumner en lui-même apparaît dans l’œuvre… Au milieu des années 1980 Sumner apprendra ainsi à maîtriser sa voix, y ajoutant des effets et trucs de chanteur  par accentuations et intonations calculées. Ceci grâce aux conseils de producteurs comme Arthur Baker, confia il plus tard. Cet effort et cette mutation sont typiques dans des singles tels  » Perfect Kiss », « True Faith », « Touched by the hand of God » entre autres.

Néanmoins, sur un plan émotionnel , Sumner ne sera pas spontanément à l’aise avec sa fonction multiple. En particulier lors des concerts. Le live génère un stress qu’il gérera, durant une décennie, par des moyens plus ou moins appropriés… Ceux ci vont du prompteur ( difficultés de mémorisation) pour une aide technique, jusqu’à la bouteille de Pernod posée sur l’ampli. Cette dernière habitude disparaîtra  heureusement au milieu des années 1990, après la première rupture de New Order, post album Republic (1993). Les débuts 1990 ne seront pourtant pas des plus simples, avec la faillite de Factory Records et celle de l’Hacienda ( évoquée dans « Ruined in a day »), club du label financé par les royalties du groupe leader de la maison de disques mal gérée par Anthony Wilson, personnage plus fantasque qu’homme d’affaires. Une dépression nerveuse carabinée assomme quelques mois le musicien qui a trente sept ans, vient de connaître un divorce à la fin des années 1980, retrouve une compagne ( son épouse actuelle) avant de devenir une nouvelle fois père. Le mitan des nineties est celui d’un retrait pour New Order. Sumner en profite pour collaborer avec Johnny Marr, l’ex The Smiths, le duo de célébrités formant Electronic en pleine période Madchester. Sumner paraît un chanteur confiant, paradoxalement beaucoup plus qu’avec New Order. Electronic produiront une electro pop ludique. Elle fût, sans doute, ce dont l’ex Joy Division et front man de New Order, en rupture transitoire, pouvait avoir besoin pour se changer les idées. Ce side-project médiatisé ne change cependant en aucune façon la face de la musique… Même chose pour le médiocre Revenge de Peter Hook, qui deviendra Monaco guère plus convaincant . Je ne parlerai pas de Free Bass aux trois bassistes stars de l’indé mancunien…

New Order, milieu des années 1980. Photo Far Out Magazine.

Fin 1998 Robert Gretton ( manager historique depuis 1978) réussit la réunion du groupe séparé. Gillian Gilbert qui préfère s’occuper de ses deux filles, nées de son union avec Stephen Morris, est remplacée par Phil Cunningham, guitariste de dix ans plus jeune que les membres de New Order. On part sur les chapeaux de roues avec l’album Get Ready (2001) , puis Waiting For The Sirens Call ( 2005). Cet élan tiendra jusqu’au départ excédé de Peter Hook en 2006, malgré les déclarations d’intention de perennité (symbolique) du single « Here To Stay » (2002) composé pour le film 24 hours Party People, tourné à la gloire de la scène de Manchester. Nul ne peut jurer tenir ce que certains perçoivent comme intenable.. Sur les raisons de ce split et du différend majeur des deux musiciens, les raisons divergent. Hooky s’est déclaré lassé du groupe, pensant de plus que son histoire musicale était achevée. Il est intarissable sur la question au tournant de 2010, et notamment au sujet Barney qu’il considère alors comme insupportable, un inquiet permanent, regrettant toujours de se retrouver où il est, rechignant aux contraintes des tournées souvent mal vécues par le chanteur-guitariste. Le bassiste lui reproche par ailleurs une attitude dominante qui ne conviendrait pas ( si elle est exacte) à sa propre vision du groupe, ainsi qu’une forme d’isolement vis à vis des autres musiciens… On ne démêlera cependant jamais vraiment le vrai du faux ou de l’exagération dans cette histoire, qui déboucha sur une décision juridique quant à l’emploi du nom New Order par Sumner, Morris, Gilbert et Cunningham, ainsi qu’à une répartition des droits d’auteurs plus satisfaisante pour le bassiste.

Au delà de la querelle, le rôle de Bernard Sumner dans l’évolution de la musique de Joy Division/ New Order et, par extension son impact sur la musique de toute la décennie des années 1980, est immense. Ce qui n’enlève rien aux trois autres membres des deux groupes essentiels de l’histoire du rock. On a vu Sumner s’intéresser aux synthétiseurs dès 1980, puis cet intérêt n’a fait que croître. Si Hooky a plutôt, selon ses propres déclarations en 2005 ( interview à la sortie de Waiting For The Sirens Call), une tendance à considérer qu’un titre efficace est d’abord une ligne de basse solide et des séquences de batterie, Sumner, de son côté, est un perfectionniste qui recherche la sophistication et travaille le détail. Les deux se complètent… Le développement de l’électronique, appliquée aux instruments de musique dans les années 1980, fût une opportunité dont New Order se sont saisis et qui passionna particulièrement Sumner ( et Morris). L’ aspect technologique est décisif dans l’évolution du son New Order, comme pour la construction de leurs titres. Grand prémisse de ce tournant qui maria les genres, « Blue Monday », maxi single culte le plus vendu au monde, paru en 1983, marque pleinement l’entrée du groupe dans un mélange de dance et de rock, inspiré du clubbing nord américain et des bandes son d’Ennio Morricone. Le hit new wave est l’affranchissement véritable de musiciens qui gagnent en liberté créative. Stephen Morris citait l’anecdote fameuse de la  » trouvaille fortuite » qui initia la figure rythmique de base de « Blue Monday ». L’intro de grosse caisse électronique résulta en réalité d’une défaillance de programme, alors que les musiciens tentaient de recopier un beat entendu chez Donna Summers… Le hasard est un paramètre dont chaque artiste peut tenir compte. Surtout s’il cherche à s’émanciper de codes et formats, ce que l’ensemble des musiciens de Joy Division/New Order ont fait.

Bernard Sumner en 2024. Photo par Scott Dudelson, NME.

S’il n’a pas délaissé la guitare, loin de là, en grand amateur de Neil Young et de country music à ses heures – cf « Love Vigilantes » (1985),  » All Day Long » (1987 – Bernard Sumner est une clef derrière la musique des albums de Joy Division et New Order. C’est celui qui venait la nuit corriger ou modifier une piste, en artisan méticuleux, génie au profil discret… L’album Technique (1989), enregistré à Ibiza, fondateur de la vague house music, est un point culminant dans un chemin de travail créatif. Une pièce majeure – presque un aboutissement – du corpus discographique des années 1980. Il porte bien son nom. Théoriquement, New Order auraient pu s’arrêter là. Leur dernier album, Music Complete, remonte à 2015. Il est écrit et réalisé sans Peter Hook. Son titre signifie t-il que New Order ont effectivement dit tout ce qu’ils avaient à dire? Si quelques rumeurs circulent d’un nouvel enregistrement, il n’en est rien dans les faits. Sumner a fait vivre un autre side project, Bad Lieutenant, de 2008 à 2011. Il y a plus de dix ans… qui n’a publié qu’un seul album Never Cry Another Tear en 2009. Le projet qui sonnait très rock indépendant à guitares, évoqua davantage la période Get Ready plutôt qu’un renouveau stylistique. On ne se réinvente pas à chaque fois. En 2019, Bernard Sumner a reçu un Silver Clef award pour son engagement caritatif personnel et en tant que musicien, en soutien des thérapies et de la recherche contre les maladies mentales grâce aux activités musicales.

A Alderley Edge, bourgade nichée au creux des collines verdoyantes du sud de Manchester, à quelques kilomètres de Macclesfield, Bernard Sumner est installé – tout comme Peter Hook – dans une des belles demeures de millionnaires anglais, stars du rock ou du football, joueurs de Manchester United ou Manchester City. Il y a un portail devant la sienne, mais si vous le croisez faisant du shopping, l’homme est toujours aimable, poli et souriant. Nous sommes loin de Salford, évidemment, dans l’espace ( relativement) et dans le temps ( surement). Bon anniversaire Bernard Sumner.

A lire ( en anglais uniquement) Chapter and Verse, Joy Division, New Order and me par Bernard Sumner

Image Mise en avant, Bernard Sumner en 2011. Par Vincenzo d’Alto ( La Gazette de Montréal)

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