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Disques

The Marble Tea/ The Thing Itself

The Marble Tea est l’œuvre d’un homme qui ne se lasse pas. L’art procure un émerveillement à l’artiste, avant même que l’objet créé ne rencontre autrui, Knight Berman Jr le sait et cette illumination le soutient. J’avais interviewé avec plaisir l’auteur-compositeur aux commandes du projet The Marble Tea, découvrant une sorte de Richard Brautigan de la musique indé qui maniait humour et autofiction sur un ton postmoderne, s’appliquant à la mise en place de chansons pop Lo- Fi sophistiquées souvent étonnantes. Résident de Point Pleasant, station balnéaire s’étirant sur la côte sableuse et plate du New Jersey, Knight est un musicien d’apparence paisible, jeune sexagénaire qui roule à bicyclette, tel Syd Barrett dans les rues de la banlieue pavillonnaire de Cambridge, la tête davantage posée sur les épaules, heureusement. Si vous aimez Jonathan Richman, Robyn Hitchcock, Jazz Butchers et Magnetic Fields , ainsi que l’annonce le site de The Marble Tea, mais aussi les Beatles du Magical Mystery Tour, vous êtes à la bonne adresse. Ce service en marbre pourrait être le vôtre, à l’heure du thé comme il se doit.

The Thing Itself paraît trois ans après Staying Home To Make Music To Stay Home To. Le temps nécessaire pour écrire un nouveau répertoire, en trouver l’humeur, l’enregistrer et le produire. Il y a quelques jours j’ai reçu en avant première ces onze nouvelles chansons, sous leur pochette fleurie décorée de marguerites roses, oranges ou bleues, détachées de tout lien au sol, flottantes sur un fond blanc. Pas très orthodoxes ces couleurs. Annonçaient elles la couleur, si je puis dire ? L’image florale combinée au lettrage d’un titre tracé à la main, imprimé à l’envers, m’obligeant à une torsion du cou pour sa lecture, m’ont instantanément évoqué les illustrations ambiguës des livres de Lewis Caroll dans leurs éditions pour enfants. « La chose elle-même« , c’est à dire? Il me faudrait plonger dans le tronc d’un arbre creux pour la découvrir.

Très vite se présentent quelques subtiles curiosités . Ainsi les figures rythmiques ajoutées autour des séquences de batterie en introduction de « Than You ( Fa Bean Like Mee) », puis les sons de claviers typiques de The Marble Tea, pour ce mini tube disco psychédélique joué au second degré. Sommes nous dans le vif du sujet? « Not That Guy » avec ses guitares surf posées sur un tchac a poum de batterie, relève des B’52 s qui auraient flirté avec Jonathan Richman. Je souris d’aise. « Upon Reflection » est une ballade qui en doit autant à l’Americana, aux riffs folk de Neil Young qu’à l’anglais Pat Fish des Jazz Butchers Conspiracy. Ce grand écart convainc pourtant, au lieu d’être casse gueule, par sa coolitude et une classe certaine, à la fois smart et relâchée. Le titre est indéniablement parmi les plus accrocheurs de l’album. Mais « Après réflexion  » vers quoi allons nous ? Je ne l’ai pas encore découvert.

Knight Berman Jr. est un multi instrumentiste habile et les claviers semblent peut-être sa tasse de thé, quand bien même fut-il guitariste des groupes auxquels il participa dans une lointaine période post punk. Ceux de « Take It All Away » se mêlent aux guitares, proposant autant de voies et de lignes musicales d’une polyphonie que j’aurais sans doute aimée un peu plus musclée par la production. Le titre l’aurait très largement supporté. J’y reviendrai. Avec le piano de « If You Don’t Stop, I’ll Go Blind » on se retrouve dans le Londres des mid sixties heureuses. Ne manquent que Petula Clark, qui prendrait la main à Syd Barrett égaré, pour lui éviter la chute dans les buissons épineux d’un parc fermé depuis longtemps. Les sifflets d’oiseaux intercalés entre un lead de guitare fuzz que n’aurait pas renié George Harrison, rajoutent à cet étrange bucolisme tout britannique auquel l’américain semble attaché depuis son rivage de la côte Est. « One Summer Night » qui termine l’album, est une pièce musicale de plus de six minutes. Jazz et lounge, elle propose une ambiance toute en progression, appuyée sur un beat de batterie qui ne fléchit pas – là aussi une production plus appuyée n’aurait rien gâché au potentiel très groovy d’un titre peu éloigné des réalisations hypnotiques de Cavern Of Anti-Matter.

Le musicien Knight Berman Jr a tout du fan exigeant, comme de l’expert en culture musicale indépendante élégante voire tarabiscotée. Dans son cas il s’agit de celle d’un gentleman légèrement excentrique. Ce que, à titre personnel, je perçois comme le nec plus ultra de l’élégance. Mais son talent d’auteur compositeur n’est ni à démontrer ni en reste pour autant. Artiste accompli, peu enclin aux poncifs, il sait composer des chansons pop improbables, arty, mélodiques et subtiles. The Marble Tea est ainsi une affaire de style. Et comme l’écrivait le poète Paul Valéry: « Le style c’est l’homme en lui-même« . Ceci pourrait être un élément de réponse à ma question première, en regard du nom de cet album fait maison qui en tire tous les possibles mais pour lequel, parce que son contenu est bon, j’aurais volontiers accueilli davantage de puissance dans ses modalités de production (pour cette fois) … Mon seul léger regret.

Alors, quelle est « la chose elle-même » à découvrir? S’il s’agissait d’un objet – probable mais pas certain – je dirais, jouant l’équivoque: mais l’objet, ici, n’est-il pas contenu par le sujet? Soit Knight Berman Jr et The Marble Tea en eux-mêmes?

Lien Soundcloud The Marble Tea:

https://marbletea.bandcamp.com/album/the-thing-itself

One comment
  1. TOP 2023 – Dark Globe

    […] nous entretenons par ailleurs une relation suivie. Ainsi Parker Dulany (ex) Certain General, NYC et Knight Berman Jr (The Marble Tea) de Pleasant Point ( New Jersey) tous deux musiciens nord américains, ont ils […]

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