En plein été 1970, un certain Richard Songer, DJ de son état dans la ville de Detroit, Michigan, a la bonne idée d’organiser un festival afin d’avoir son propre Woodstock, mythique événement qui a eu lieu un an plus tôt.
La programmation de ce « Goose Lake International Music Festival » est attrayante : Rod Stewart, Ten Years After et plusieurs gloires locales – le festival se déroule à quelques 100 kms de Detroit- dont le MC5, Bob Seger et les Stooges d’Iggy Pop.
Ces derniers viennent tout juste de publier leur deuxième album, le bien nommé Fun House. Il fait suite à un premier opus éponyme qui s’est rapidement retrouvé dans les bacs à soldes des magasins de disques. Il faudra attendre l’émergence du punk, au mitan des années 1970, pour que ces deux brûlots deviennent cultes.
En attendant, les Stooges vont devoir faire face à un public de 60 000 personnes. Du jamais vu pour Iggy, les frères Asheton, Ron à la guitare, Scott à la batterie et le bassiste Dave Alexander. La pression monte d’un cran pour ce dernier, au moment où il s’installe dans la voiture qui va le mener vers le site du festival. Il est accompagné de sa copine, Esther Korinsky et de Scott. Le trio décide de faire un arrêt dans un liquor store sur la route, dans l’intention d’écluser quelques bières. Dave, connu pour sa consommation excessive de quaalude et autres opiacés à la mode, en profite pour se charger un maximum afin de faire redescendre le stress de se produire face au plus grand public que les Stooges aient jamais affronté.
Bien entendu, Dave arrive complètement défoncé. Comme le reste du groupe d’ailleurs. Ron et Scott n’y sont pas allés de main morte tout comme Iggy, qui peine à se rappeler comment il s’appelle. Mais à la différence de ses collègues, Dave n’est guère résilient. Au moment d’entamer le concert, les autres font bonnes figures, dopés par l’adrénaline de la scène. De son côté, Dave ne sait pas comment utiliser son instrument. « Loose », la première chanson lancée par les Stooges est un carnage. La basse est à contre temps et il y a fort à parier que les notes jouée par Alexander sont elles aussi hors de propos.
Dans la confusion du morceau, Iggy demande, sans succès, à un roadie de couper l’ampli de l’apathique bassiste qui, las de son état, arrive tant bien que mal à retrouver un peu ses esprits sous les invectives du chanteur, furax de devoir composer avec un tel amateur.
Ron et Scott Asheton délivreront ce soir là une performance de haut vol, bien aidés par le saxophoniste Steve McKay. Jamais perturbés par les errances du bassiste, les deux frères tiendront la scène à eux seul et permettront à Iggy, outre de ne pas totalement péter un câble, de s’asseoir sur une bande musicale cohérente malgré le bordel ambiant.
Le soir même, Dave Alexander est viré du groupe et plus personne n’entendra parler de lui jusqu’à sa mort, en 1975, à l’âge de 27 ans, lui aussi, mais sans les « honneurs du club des 27″… Les Stooges restant se replient dans leur caravane après le concert pour y fumer quelques joints. Ils seront vite interrompus par la police locale qui vient les arrêter pour possession et consommation de drogue.
Ce concert historiquement incontournable, mais pas vraiment musicalement, est un témoignage unique de la fin d’un groupe. Il marque un tournant certain dans la carrière des Stooges et surtout d’Iggy Pop, qui voit ainsi son rêve de groupe se briser en mille morceaux. Plus rien ne sera jamais pareil pour l’iguane qui entamera une des périodes les plus sombres de sa vie, après une rencontre mystique avec les drogues dures et James Williamson, futur guitaristes de Raw Power.
En 2020, Jack White, grand amateur des Stooges, exhume les bandes de ce concert pour les graver sur du vinyle. Le Live At Goose Lake est publié sur son label « Third Man Record », cinquante ans après la débâcle.
Amateur et pratiquant de musiques rythmées et de tout ce qui va vite. A ainsi sévi sur ampli Orange et Strat comme sur vélo de course à trois plateaux en côtes et descentes. Rêve de Formule 1 (pas l’hôtel) sur la Riviera. L’adolescent qui sommeille toujours en lui relit souvent des vieux Rock & Folk.