Reformé voici 10 ans, désormais installé à New York et non plus à Los Angeles – ville d’origine de Steve Wynn et des membres du groupe -, The Dream Syndicate reste une formation aussi productive qu’inspirée malgré des décennies d’existence. En 1982, The Days Before Wine and Roses avait remarquablement ouvert une suite de quatre albums publiés jusqu’à la fin des années 1980, qui mêlèrent mélodies pop et effets soniques. Groupe à guitares, The Dream Syndicate puisait alors ses sources d’inspiration aussi bien chez Roxy Music que dans le répertoire ombrageux du Velvet Underground, ce qui ne manquât pas, sans doute, d’être remarqué par d’autres qui y trouvèrent une voie, à l’instar de Yo La Tengo – pour ne citer qu’un exemple de ceux qui en doivent à Wynn.
Depuis son nouveau départ qui suivit un arrêt de plus de vingt ans – quand bien même des projets solos ont-ils occupés les uns et les autres -, The Dream Syndicate a pris une orientation musicale où l’influence du psychédélisme est nettement marquée, rajoutant des claviers à son instrumentarium premier. Il y a deux ans, The Universe Inside constitua une étrange unité articulée autour de titres longs et intenses, certains évoquant les atmosphères développées dans les pièces du Pink Floyd des années 1970.
Sorti au début du mois de Juin, Ultraviolet Battle Hymns and True Confessions s’annonce par un titre « à rallonge » tel une énigme, composé de suggestions colorées et sonores, fédératrices et violentes (quels sont ces hymnes de batailles ultraviolettes?) mais touchant aussi l’intimité chuchotée d’un confessionnal… En soi une oxymore. L’album est long, lui aussi, qui compte dix titres diversifiés – on ne s’en plaindra pas – mais tous de durées plutôt courtes, dans lesquels on perçoit un auteur compositeur concerné et incisif. Le LP s’écoute en suivant un rythme d’alternances de couleurs sonores, lesquelles vont de la douceur pop aux ambiances électriques, jusqu’aux tentations bruitistes de « Straight Lines » (nul ne se réinvente totalement). Mais le sextet sait se renouveler et c’est ce qui saute aux oreilles. Wynn et les musiciens peuvent ainsi flirter avec le blues sur « My Lazy Mind », après avoir lancé un impressionnant « Where I’ll Stand » qui laisse la part belle aux claviers. Ce sont les contrastes qui vont l’emporter, gardant l’auditeur attentif du début jusqu’à la fin. « Damian », semble t-il retenu pour promouvoir le nouvel LP, renoue avec ce néo psychédélisme parfois jazzy qui a caractérisé l’approche musicale de The Dream Syndicate depuis 2012. On s’y laisse entrainer dans une histoire qui fleure des aventures souterraines entendues chez Lou Reed, comprenant mieux en même temps l’importance que la Côte Est des Etats Unis et ses groupes historiques (Velvet, Television, Iggy Pop) ont pu avoir dans l’écriture musicale très tenue d’un Dream Syndicate qui ne devient jamais lassant.
Avec Ultraviolet Battle Hymns and True Confessions, huitième production au dessus de tout soupçon, The Dream Syndicate s’aventure plus loin encore qu’il ne l’avait fait jusque là. Il y a du Krautrock, du rock prog et de la pop psychédélique mêlé de shoegazing assumé dans ces dix titres qui savent toujours conserver une forme d’écriture classiquement charpentée. Une affaire de musiciens et de belles guitares croisées et davantage encore. Indéniablement.
Photo du groupe par Chris Sickich
Peintre et guitariste, adepte de Telecaster Custom et d’amplis Fender. Né en 1962 – avant l’invention du monde virtuel – pense que la critique musicale peut-être un genre littéraire, objet idéal pour un débat en fauteuil club millésimé.