Après déjà quelques années d’existence et une première démo six titres bien prometteuse (sur laquelle on avait réussi à mettre la main peu de temps avant qu’elle soit sold out, grand bien nous en a pris) et à l’occasion de leur première tournée qui vient tout juste de s’achever, le quintet lyonnais Gunfire in a Juke Joint sort chez Humanist Records un EP en vinyle sur lequel on retrouve trois nouveaux morceaux. Des compositions d’une mixture post-rock instrumentale (appelons un chat un chat) à fière allure, plutôt passionnante, et dans laquelle on retrouve de bien fins ingrédients. Aujourd’hui cours de cuisine les enfants.
C’est avec un réel plaisir qu’on avait donc découvert le premier effort discographique du combo, notamment ce titre flottant quelque peu au dessus des autres – « The Jellyfisherman » – faisant déjà preuve d’une bien belle écriture et d’une recherche mélodique affirmée. Cet EP enfonce le clou, GiaJJ y ajoutant de nombreuses références, sans pour autant tomber dans le piège de la pâle copie. On avait imaginé (avant de savoir) le groupe féru de post-rock rythmé à la Magyar Posse (les premières mesures de « Kral » en sont assez évocatrices) et de montées épiques façon Red Sparowes ; sur la construction de leurs titres, pourtant, le progressisme sait rester subtil, slalomant agilement entre les explosions massives et les crescendos trop prévisibles : chez les Lyonnais, qu’on oscille entre mouvements éthérés ou plans carrément noisy, les variations se jouent sur les silences, tout en légereté, de façon aérée et naturelle. « Akdeniz » dépeint des paysages sonores aux ambiances variées, s’allongeant même presque sur des accents pop – et se délie de façon discrète, sans marquer de virage trop prononcé. C’est là tout le soin amené à ce disque, celui d’éviter les angles droits et de privilégier la souplesse, plutôt que d’enfoncer les portes ouvertes. « Ibo », pour terminer, commence sur des nappes de guitares très aériennes suivies d’arpèges claires, façon Explosions In The Sky. Et toujours cette mélodie étirée qui domine, séduisante, dans laquelle – bonheur! – on retrouve cette touche de mélancolie qui nous avait déjà plu dans « The Jellyfisherman ». Puis le rythme prend le dessus, et alors les deux guitares laissent un peu cracher les distos pour un final éclatant et bruitiste à souhait – Mogwai toutes voiles dehors – exécuté brillamment. Et le quintet de montrer comme il sait distiller l’intensité de sa musique.
Les sonorités sont certes familières et tout ici n’est pas encore complètement « libre de comparaison », mais c’est bien là la seule chose qu’on pourra reprocher à cet EP éponyme (dont la durée n’est pas si lointaine de celle d’un album). Pour le reste, la justesse d’exécution, l’élégance de l’écriture et le sens de l’harmonie contribuent pleinement à la réussite de ce trois titres qu’on réécoutera à l’envi sans aucun ennui. (A voir au Clacson avec Magyar Posse et My Own Private Alaska le 20 mai prochain.)
En stream : « Kral »
[audio:https://darkglobe.free.fr/extraits/100428.mp3]cultive ici son addiction à la musique (dans un spectre assez vaste allant de la noise au post-hardcore, en passant par l’ambient, la cold-wave, l’indie pop et les musiques expérimentales et improvisées) ainsi qu’au web et aux nouvelles technologies, également intéressé par le cinéma et la photographie (on ne peut pas tout faire). Guitariste & shoegazer à ses heures perdues (ou ce qu’il en reste).