Spécialisées en BD, les éditions Graph Zepellin proposent avec la collection «Rock Odyssée», des biographies d’artistes qui ont fait l’histoire mouvementée et les légendes échevelées du Rock and Roll. Après des albums consacrés à Hendrix et Janis Joplin notamment, Syd Barrett et les Pink Floyd – Wish You Were Here, raconte la courte carrière de Roger Keith Barrett, alias Syd, créateur de génie à l’automne 1965, d’un des plus grands groupes qui ait jamais existé.
Légende de la culture pop anglaise, Syd Barrett fût une étoile filante. Il traversa les années 1966 et 1967 aux commandes d’une formation révolutionnaire pour son temps, laquelle deviendrait ensuite une impressionnante machine musicale qui se plaça au sommet de la scène psychédélique et progressive. L’album nous narre l’histoire d’un Rimbaud pop, doué et charismatique jeune homme venu de Cambridge, qui ne supporta pas les attentes d’un système ni le choc d’un succès aux trop fortes exigences. Le LSD consommé avec excès n’arrangea rien et, en 1968, au soir d’un concert sur la côte anglaise, la mort dans l’âme, les autres membres du groupe décidèrent qu’ils n’iraient pas chercher, cette fois, leur erratique chanteur. Psychiquement instable, Barrett ne s’opposera pas à cette rupture et il sera définitivement remplacé – après une ultime tentative de sauvetage – par un certain David Gilmour.
Le livre nous montre comment son ombre va longtemps hanter ses anciens camarades et marquera leur œuvre de traces indélébiles. Après deux LP en solo, aussi bancals qu’exceptionnels, Syd Barrett laissera la poussière recouvrir ses guitares. Redevenu Roger Keith, son véritable prénom, il passera le reste de sa vie en reclus solitaire, tout au fond d’une impasse discrète de la banlieue pavillonnaire de Cambridge.
Syd Barrett et le Pink Floyd – Wish You Were Here, traduction d’une première parution italienne, est le fruit de l’association de Damilo Deninotti (auteur) et de Luca Lenci (dessinateur). Si le scénario peut paraître un peu court au lecteur exigeant et connaisseur du sujet traité, il est un hommage qui a le mérite de raconter les moments clefs d’une histoire et de la rendre vivante à nouveau. Barrett, Waters, Wright, Mason et Gilmour, s’animent au fil des pages et on y croit en les suivant. Cadrages et graphisme sont intéressants, non conventionnels et ils évitent un cloisonnement restrictif. Le dessin de Luca Lenci, très noir, est nerveux et incisif. La colorisation des cases montre un parti pris esthétique, qui utilise judicieusement et avec sens une seule teinte de rose. La couleur choisie est évidemment une référence pertinente au nom du groupe. Elle crée, dès les premières pages, une atmosphère désuète, nostalgique et étrange qui convient bien au personnage central et à son environnement. La conjugaison des éléments visuels et graphiques, participe avec justesse et délicatesse à la narration, axée sur les premières années du Pink Floyd qui jaillirent d’une explosion de créativité, puis oscillèrent entre mélancolie et volonté de créer une œuvre de premier plan.
L’album se lit avec plaisir. Il s’adresse à tous ceux qui aimeront se replonger dans l’histoire d’un groupe essentiel, comme retrouver Londres et quelques uns de ses acteurs les plus créatifs de la scène musicale de la fin des années 1960.
Peintre et guitariste, adepte de Telecaster Custom et d’amplis Fender. Né en 1962 – avant l’invention du monde virtuel – pense que la critique musicale peut-être un genre littéraire, objet idéal pour un débat en fauteuil club millésimé.