Quintet basé à Southend-on-Sea – station balnéaire sur les bords de l’estuaire de la Tamise, proche du Canvey Island de Doctor Feelgood – Dark Globes est un groupe aussi indépendant que captivant, dont le Everyone I Know Is Falling Apart, son véritable premier LP, aurait sans doute trouvé place chez Alan Mc Gee et Creation Records, s’il était sorti avant 1999. Qu’importe s’il est venu en Mars 2017 puisqu’on le remarque quand même, diffusé par le label local Half Machine et sur Bandcamp, sa sortie lui valant quelques lignes flatteuses dans le numéro printanier de Mojo. Également désigné par l’énigmatique lettre « K », Everyone I Know Is Falling Apart est une savante proposition de treize titres, amenés par une intro (oui) et refermés par une conclusion – outro -, précédée à mi parcours par une virgule musicale du même genre. La chose éveille la curiosité et laisse supposer une singularité attentive du moindre détail.
Entre Noisy-Pop, néo Folk et Shoegaze revisités, les Dark Globes se promènent en trentenaires éclairés, quelque part entre Felt et le Teenage Fan Club, avec un goût prononcé pour les guitares claires – le groupe en compte trois – passées sous reverb et delay. Des titres comme « Dream Away » et « Never Let Me Down » sont des perles pop sur lesquelles planent des étirements de Fender Jaguar initiés en leur temps par Kevin Shields pour My Bloody Valentine. « Davey’s House » est une complainte faussement nonchalante et franchement hantée. « All For You », qui suit un « Bad Luck » qu’on aurait bien vu chez Play It Again Sam, est une guirlande d’arpèges cristallins en contraste avec l’expérience psychédélique et bruitiste du titre « K ».
On imaginait la région rendue aux seuls riffs du Pub Rock, et voilà que nous tombons sur des garçons qui tournent le dos à l’héritage majeur du Thames Delta. Petite révolution ou mouvement naturel exécuté en douceur? Copains avec leur voisin Wilko Johnson, ils ont récemment et sans complexe accompagné Peter Astor (Weather Prophet) sur la scène du Railway Hotel, soit un grand écart pas si antinomique finalement et qui ne les gêne guère. Rencontre et interview – entre Dark Globe(s) – avec Tom Burgess, guitariste, chanteur et porte parole affable.
Everyone I Know Is Falling Apart, est votre premier LP. Quand vous-êtes vous rencontrés et qui joue dans le groupe aujourd’hui? Comment avez-vous décidé de former Dark Globes ?
Tom Burgess: Le groupe est la réunion de cinq musiciens: Leighton Jennings, guitariste et chanteur, Andrew Moore qui joue la basse, Chris Richardson, batterie et bonnes vibrations, Richard Onslow, guitare et plaintes (rires) et moi-même à la guitare et au chant.
Mais nous sommes aussi une formation fluide. Nous avons une paire d’amis qui interviennent à certains moments, comme membres ponctuels. Il s’agit de Roy Thirlwall, bassiste, et de Brendan O’Hare qui joue de la batterie et a collaboré au Teenage Fan Club au début des années 90, ainsi qu’avec Mogwai.
Nous nous connaissions tous pour avoir joué et passé du bon temps au Railway Hotel, qui est l’endroit branché de Southend-on-Sea. Leighton et moi participions à un groupe appelé Cusack et Andrew Moore (basse-ndlr) était aussi dans le premier line-up de ce groupe. Cusack s’est arrêté et j’avais des tas de chansons écrites dont je ne savais quoi faire. Lorsque Cusack a annulé un concert, Dark Globes s’est improvisé pour occuper la place. Les choses ont réellement commencé ainsi.
Votre nom – comme le nôtre – évoque une chanson culte de Syd Barrett. Est-ce un choix conscient et comment vous situez-vous par rapport au travail et à l’univers particuliers de cet artiste dont la mémoire est très présente dans l’Essex?
Ce fût certainement un choix conscient. Nous sommes tous des fans de Syd Barrett. Il y a cette grande photo de lui au dessus de la porte du Railway. Je suppose que ça nous a influencé à force de la voir. J’ai aussi habité Cambridge pendant quelques années, tout en fréquentant une des universités de la ville. J’adorais le fait de trainer dans les rues que Syd avait arpenté. Des années après lui je passais aux mêmes endroits avec, moi aussi, les cheveux décoiffés et la gueule de bois!
Voudrais-tu nous donner quelques unes de vos principales sources d’inspiration? J’ai l’impression que Teenage Fan Club est vraiment l’un de vos groupes favoris? Et que me dirais-tu de pionniers comme Felt, dans un style qui initie le vôtre ?
Nous avons tous des influences différentes au départ. Nous les amenons sur la table et il se fait toujours un croisement entre elles. Quelques unes sont très surprenantes. Chris (batterie) est par exemple la seule personne que je connaisse qui ait entendu Lost In The Trees*! Leurs premiers albums étaient fantastiques mais franchement à l’opposé de ce que nous faisons. Leighton et moi aimons le Teenage Fan Club et tout le groupe est évidemment fan de Felt et Galaxie 500. Je ne peux parler pour tous mais des artistes comme Robyn Hitchcock, Yo La Tengo, Neil Young, Mark Eitzel, Jackie Leven font partie de ceux que j’apprécie le plus, tu t’en doutes.
Est ce que vous vous sentez appartenant à une mouvance post Shoegaze ?
Je suppose que nous sommes quelque chose dans cet ensemble. Mais nous sommes loin d’être isolés dans notre genre. Il y a quelques groupes indépendants à Southend-on-Sea: Plantman, Ghost Music, Melodie Group, Rocket Ship TV, Landr and Dumb Moves. Tous sont fantastiques.
Mais ne pensez-vous pas que vous êtes un peu à part, dans un Essex du Sud et un delta de la Tamise avec des groupes toujours très inspirés par Doctor Feelgood ou sous la figure tutélaire de Wilko Johnson qui habite à Westcliff? Comme les Eight Rounds Rapid…
Il y a en effet quelques superbes groupes qui sont assez inspirés par Wilko. Mais peut-être pas aussi directement ces temps-ci. Je le vois assez souvent au pub, et nous sommes bons amis. Habituellement nos rencontres se terminent autour d’un Gin en parlant de Neil Young et de Martin Carthy**. Je pense que sa sonorité de guitare, très claire, est quelque chose que j’apporte avec moi avec les Globes…Sauf qu’ensuite je l’étouffe avec la réverb et le delay. Il détesterait ça! ( rires)
Qui écrit les chansons, et comment travaillez-vous ensemble ?
Nous avons tendance à écrire les chansons de notre côté, et ensuite à travailler dessus en groupe, une fois que la base est posée. “K » est une collaboration de Leighton et Andrew. J’ai co-écrit un titre avec Leighton pour notre prochain album appelé “Die Here”. Cependant il n’y a pas de plan réel ou de règles. Ce qui doit arriver arrive.
Dans le contexte local de l’Essex est-ce facile pour un groupe relativement jeune de trouver des scènes et des salles de concert; de communiquer votre musique avec un public ? Est-ce que tu crois en l’aide de l’Internet ?
L’Internet aide toujours. Tu peux rechercher d’autres endroits de cette façon, et Facebook est utile pour les contacts. Mais si des plus jeunes lisent ça, il y a encore beaucoup de chemin pour aller jusqu’aux salles et mettre les choses en place vous-même! Parler aux autres groupes et aux diffuseurs, aller là-bas, écouter et essayer de rencontrer des gens. C’est vraiment la chose importante à faire.
A la fin du mois de Juin vous participerez au Leigh Folk Festival. Quelle en est l’atmosphère ?
Le Leigh Folk Festival est un trésor pour les amateurs de musique qui vivent dans la région (mais souvent bien plus loin). C’est le plus grand festival Folk gratuit du pays. Bien que toute la musique jouée ne soit pas exclusivement Folk. Il y a beaucoup de prestations qui sont très ancrées dans une culture musicale qui mêle racines et inspirations nouvelles. Le festival s’étire souvent sur une semaine, le week-end étant le moment fort avec beaucoup de scènes. L’ambiance est à son apogée avec tous ces groupes et les spectateurs dans les rues pavées du vieux Leigh. Avec une vue étourdissante sur l’Estuaire.
Allez-vous tourner en Angleterre dans les prochains mois ? Et comment planifiez-vous la promotion de votre très intéressant album qui aurait trouvé sa place dans le catalogue de Creation records ?
Je le suppose. Honnêtement, nous allons essayer. Nous avions connu une paire d’obstacles avec notre premier enregistrement. Et nous n’avions pas joué aussi souvent que nous l’aurions aimé. Nous avons donné quelques concerts très stimulants à Londres, et le lancement de notre album au Railway Hotel a été un des moments les plus agréables que j’ai jamais eu sur scène. Les deux vidéos réalisées sont très réussies à mon idée et elles ont été bien reçues – sauf que si je veux être absolument honnête, je ne comprends toujours pas complètement les vidéos musicales (rires)… Mais tout cela mis à part, il ne reste plus beaucoup d’albums en vérité, alors achetez-les vite!
Je sais, Tom, que tu as étudié la philosophie, alors quelle serait ta philosophie personnelle ? Et y en a t-il une à trouver dans la musique de Dark Globes ?
« Etudier” est un terme très généreux de ta part. J’apprécie assez les idées et les concepts du Stoïcisme. Bien qu’il soit hautement impraticable de nos jours où nous sommes tellement repliés sur nous-mêmes. Une philosophie pour le groupe ? Ne touchez jamais une viande crue tant qu’elle n’est pas cuisinée et gardez bien votre sac !
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* Lost In The Trees :(2007-2014) est un collectif Folk /Indie américain.
**Martin Carthy (1941) est un guitariste et chanteur Folk Anglais
L’album Everyone I Know Is Falling Apart est disponible en format vinyle sur le catalogue de Halfmachine Records. http://halfmachinerecords.bigcartel.com/
En version dématérialisée sur le Bandcamp du groupe.
Peintre et guitariste, adepte de Telecaster Custom et d’amplis Fender. Né en 1962 – avant l’invention du monde virtuel – pense que la critique musicale peut-être un genre littéraire, objet idéal pour un débat en fauteuil club millésimé.