A l’aube – ou à la veille – de la vague Brit-Pop, les écossais du Teenage Fanclub, ont démarré leur carrière en outsiders du rock. Rapidement je dirais qu’ils le sont restés. Avec plus d’attention, j’affirmerai qu’ils ont aujourd’hui acquis un statut de groupe culte qui n’a rien d’immérité.
L’imprononçable Bandwagonesque (1991) – dont je ne sais jamais avec certitude dans quel ordre mettre les syllabes – est un phare Power-Pop (deuxième vague) de la scène indie anglo-américaine. Après sa sortie, l’opus à la pochette Pop Art, jaune et rose, leur a valu de se retrouver sur les mêmes scènes que Nirvana. Quand ces derniers s’acharnaient à tronçonner leurs riffs, les Teenage Fanclub cherchaient de leur côté à rendre punchy de pures mélodies qui eurent la grâce de le rester, bien que traitées aux dérangements noisy. A l’instar d’illustres prédécesseurs dont les Who (inventeurs du genre), les Big Star d’Alex Chilton ou les Byrds, les écossais ont ainsi développé un format pop des plus classiques doté de secousses et d’envolées. Tout cela, bien sûr, en jouant tous leurs sets juvéniles les yeux rivés sur le bout de leurs pieds.
Signés chez Creation, leader des nineties, ils se sont malencontreusement retrouvés dans l’ombre permanente des lourdauds Oasis, et sont demeurés coincés derrière les opportunistes Primal Scream. Bosseurs et réguliers, les écossais ont néanmoins sorti – à leur vitesse – une dizaine albums, dont on retiendra le superbe Songs from Northern Britain (1997), successeur du très recommandable Grand Prix (1995). Après Shadows (2010) on avait cependant, il faut l’avouer, un peu délaissé les anciens Shoegazers devenus depuis cette date largement quadragénaires.
Here, sorti ce 9 septembre via PeMa Records, est, semble-t-il, le résultat d’une longue gestation. Fini le temps des chansons qui venaient à la pelle, tout comme l’urgence qui dynamisait les harmonies. Blake, Mc Ginley et Love se partagent à égalité le songwriting des douze titres enregistrés en Provence (au très vintage studio Vega de Carpentras ) puis en Ecosse. Précédé du très frais « I’m in Love », qui ouvre aussi l’album, Here est une collection de pop songs dont les thèmes tournent autour de deux idées: la vie et l’amour. Soit deux sujets qu’on pourrait trouver bateaux. Mis à part le fait qu’ils sont essentiels.
La première écoute offre l’impression globale d’un calme musical que trop hâtivement on estimerait monotone. Il en faut plusieurs pour saisir les nuances et saveurs des chansons et découvrir à quoi se raccrocher. Ce qui ne se fera pas avec des mots ou des idées nécessitant l’avertissement « propos pouvant être choquants » collé sur la pochette, puisque tout ici reste très soft. Here fait entièrement oublier Shadows. Teenage Fanclub paraît désormais un groupe un peu hors du temps, ou des modes, lui qui fut si clairement du sien à ses débuts. « The Darkest Part of the Night » aurait ainsi quelque chose d’automnal…
Ce sont les compositions de Mc Ginley qui dérangent le plus, avec leurs touches nettement expérimentales, voire psychédéliques. En particuliers « Steady State » et « I Have Nothing More to Say »: deux compositions qui se démarquent le plus de ce que fût la signature du FanClub. « The First Sight » est probablement le point culminant de l’album, qui résonne d’un écho venu des années 90, mais qu’on sublime pour rejoindre un temps beaucoup plus vaste, lumineux et ensoleillé.
Les tempos lents de « Connected to Life » (Norman Blake) et de « I Was Beautiful When I Was Alive » (Mc Ginley) permettent de savourer cette plénitude conquise des ex teenagers. Du shoegazing, on a glissé vers une folk-pop sophistiquée aux développements enthousiasmants de musicalité. « Hold On » et « Live in the Moment » sur lesquels on retombe, illustrent le style pop autour duquel la formation a toujours tourné avec habileté et un don naturel.
Avec un nom si évocateur, le Teenage Fanclub ne peut que faire rêver l’amateur nostalgique. Il faut sans doute être sentimental pour aimer ces écossais. Here – ici – n’est pas un manifeste mais il porte en lui une tension entre deux pôles: le passé du groupe et son présent. Ce présent est celui d’une formation dans sa maturité qui atteint une plénitude qu’on suppose espérée par ses trois leaders. En les écoutant nous la partageons.
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Peintre et guitariste, adepte de Telecaster Custom et d’amplis Fender. Né en 1962 – avant l’invention du monde virtuel – pense que la critique musicale peut-être un genre littéraire, objet idéal pour un débat en fauteuil club millésimé.