Le torse bombé, nos petits pectoraux pendouillant en avant, nous secouons chez DarkGlobe bien haut et avec fierté (mais pas plus de deux minutes) notre étendard de webzine musical le plus fainéant et le plus en retard du monde, nous contentant la plupart du temps de quelques bafouilles en autant d’excuses à peine audibles pour tous nos retards successifs: des douleurs aux ongles, le temps qui passe trop vite et ne veut pas se mettre en pause, un clavier d’ordinateur avec un trop grand nombre de caractères ou un air trop chargé en oxygène. Pour cette chronique d’un album sorti voici plus d’un an, nous nous offrirons ainsi comme décharge la distance géographique et le hasard qui avait oublié de faire son travail jusqu’à la semaine dernière. Car, puisque aujourd’hui on se dit tout, sache-le ami lecteur, The fin. vient du Japon et sa musique aurait eu peu de chance de croiser nos oreilles sans l’opportunité d’un voyage en Asie cet été.
Vous ne trouverez pourtant pas de gimmicks musicaux d’extrême orient dans les sonorités de Days of Uncertainty, le second album du tout jeune quatuor de Kobé. Pour renifler un parfum nippon dans ces compositions, il vaudrait sans doute mieux chercher dans le soin apporté à celles-ci: distinguées et raffinées pour une électropop stylisée et gracieuse au goût légèrement sucré.
Des arguments enthousiasmants qui affleurent dès le début de la galette: porté par quelques notes de synthétiseurs et une voix fragile et à la mue pas tout à fait complète, « Illuminations » diffuse des reflets presque chillwave, doux et mats d’un espace en fragile suspension, celui d’une jeunesse trop furtive. « Night Time » est le tube pop immaculé et parfait, traversé par un plaisir par trop éphémère; celui d’un romantisme adolescent immaculé, intimement lyrique et élégant. Le solo de guitare, pourtant un tue-l’amour partagé par l’ensemble de la rédaction, n’arrive même pas à déséquilibrer la délicatesse lumineuse de la construction de la chanson. Ici, les influences viennent de partout: le riff de l’intro évoque les Smiths et parfois, on se prend à imaginer un Wild Nothing flottant dans une légèreté encore plus cotonneuse. Avec « You Can See It In The Blue », le groupe abandonne alors les allées oniriques pour se recentrer sur un environnement indie pop plus classique et des approches plus directes dans les accroches. Si l’ensemble reste toujours charmant, il apparaît qu’une partie de l’enchantement furtif a déjà été abandonnée en chemin. En empruntant ces raccourcis, le groupe n’évite ainsi pas le fade avec « Curtains » ou la funk blanche tristement anodine de « Silver From Over The River »; deux titres qui tiennent le vilain rôle de fillers dans l’album et traversent avec leurs chaussons en laine la fine frontière entre dream pop et ennui. Sur « Without Excuse », ce sont les facilités un peu pompeuses et usitées du refrain qui plombent le morceau et esquissent un tableau de groupe à midinettes pas très emballant. Surprenante mais tendrement attachante, la surf pop de « Thaw » ressemble à un morceau des Raveonettes sans poils au pubis mais annonce surtout un joli début de remise à niveau. « Veil » réveille avec pas mal de doigté et une petite pincée de funky le cocotier sous lequel, à force de contemplation béate, le groupe avait eu une fâcheuse tendance à s’assoupir. Le disque se termine ainsi avec un authentique raffinement: « The End of The Island » est moite d’une pondérée tiédeur californienne, une humble mais charmante langueur sensuelle parcourt « Till Dawn »et l’éponyme « Days With Uncertainty » conclue l’album comme un éveil tranquille d’1 minutes 34 .
De ce point de vue de vieux con, Days With Uncertainty incarne joliment la jeunesse de ses auteurs: tout à la fois capables de s’envoler sur de vibrantes, lumineuses et délicates rêveries (il faut écouter la duveteuse amertume de « Night Time » et succomber de bonheur) que de se prendre les pieds dans le tapis bien fourni du quelconque. Plus qu’un manque de caractère, il y a parfois chez eux une espèce de timidité, une tendance à choisir la commodité des chemins bien trop balisés pour jouer les séducteurs ordinaires plutôt que d’abandonner leurs chansons vagabonder au fil de leur fantaisie sensible. Malgré toutes ces maladresses de jeunots, il reste bien ici l’évidence transcendante d’un talent suffisamment important pour nous faire espérer que le meilleur est sans doute encore à écrire pour The fin.
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Grand consommateur de Baby Carottes et de sorbets au yuzu, j’assume fièrement mon ultra dépendance au doux-amer, à l’électropop bancale et chétive, aux musiciens petits bras ainsi qu’aux formes épurées du grand Steve Ditko. A part cela? Il y avait péno sur Nilmar.