Si après quelques écoutes et quelques mois, leur second album An end has a start s’est un peu essoufflé (bien qu’il eut retenu toute mon attention lors de sa sortie) la perspective de voir Editors en concert me faisait tout de même bien plaisir. Un peu comme quand on va voir un film populaire en se disant qu’on va passer un bon moment (je t’arrête tout de suite, NON, j’ai pas été voir Bienvenue chez les Ch’tis ce week end et NON je ne suis pas en train de chercher une excuse). Les rares extraits de leurs prestations live sur lesquelles j’ai pu jeter un oeil (notamment un DVD en édition bonus de The Backroom) avaient l’air suffisamment intenses pour tout au moins susciter ma curiosité. Reste que, relativement à la récente déception d’Interpol dans ce même lieu quelques mois auparavant, c’est sur la pointe des pieds que je rentre dans un transbordeur diminué dans sa version « pit only » pour l’occasion, l’affluence n’étant pas spécialement au rendez-vous…
C’est Mobius Band qui ouvre sur la tournée des Anglais, un trio basé à Brooklyn NY, dont on pourrait qualifier la musique de pop « légerement » électronique. Avec un line-up batterie/pad, basse et claviers/samples, le groupe peine à démarrer, sert trois titres carrément approximatifs et somme toute pas du tout intéressants, le tout servi sans aucune conviction ni présence (OK, pas facile, première partie, toussa, mais bon quand même), avant d’annoncer (prématurément?) le dernier morceau, après à peine vingt minutes de set. A ce moment là, autant te le dire, ça m’a presque fait plaisir. Sauf que voilà, ils te balancent en clôture un titre bien foutu, mélodique, super catchy, avec le bonhomme au clavier joue un truc avec plusieurs doigts (contrairement aux trois morceaux précédents) et enfin on a l’impression d’avoir devant nous des gens presque contents d’être ici. Là, tu te demandes « mais pourquoi??? »! Pourquoi ils ont besoin de te faire trois titres pourris pour terminer par un truc somme toute assez sympa? Mystère, on aura pas la réponse à cette question.
Bref, tu vas me dire on est pas là pour ça. Editors entre sur scène et commence avec Camera, qui se révèle un très bon titre d’ouverture (bon départ, on entame avec un titre du premier album). La voix de Tom Smith est authentique, sans artifice: les capacités vocales du chanteur sont aussi imposantes sur scène que sur disque (il se laissera d’ailleurs aller à quelques montées et quelques « prises de risque » toujours bien maîtrisées). Smith est bien secondé par Chris Urbanowicz (concentré sur ses parties de guitare) et Russ Leetch (relégué derrière le piano à l’extreme droite de la scène) mais il assure à lui seul une bonne partie de la présence du groupe, allant et venant frénétiquement du devant de la scène au piano disposé à sa gauche, grimpant dessus, saluant et remerciant la foule avec une sincérité presque exagérée par moments; mais sa chemise blanche vite trémpée de sueur témoigne du plaisir qu’il prend, et qui est ma foi communicatif. Musicalement, aucun faux pas, il est juste, il est dedans, tout comme les musiciens. Le son est bien équilibré – même si la guitare d’Urbanowicz est clairement mise en avant, au risque de couvrir celle de Smith lorsque celui-ci s’en empare. Petit bémol, le son de gratte si particulier qu’Urbanowicz s’est façonné (chorus delay reverb suraigu?) prend parfois des allures de gimmick tant il est utilisé à outrance, si bien que certains titres donnent presque l’impression d’avoir déjà été joués! On pourrait se dire alors que le troisième album devra sonner différemment sous peine de suggérer un fort manque d’inspiration. Mais ce soir, on n’y pense pas, on prend simplement du plaisir à écouter les tubes qui s’enchaînent avec une vitesse ahurissante, faisant la part belle au premier album (All Sparks, Blood, Bullets, Lights…) sans oublier tout de même Racing Rats, An end has a start, When anger shows… Et une version survitaminée de Bones. Surboosté aussi, l’évident Munich, tout juste précédé d’un intèrmède acoustique piano / guitare folk du meilleur effet avec Push your hands towards the air (très belle chanson au passage). On aura aussi droit à une reprise sympathique du Lullaby des Cure, qui finira d’enfoncer le clou: s’il faut les comparer, on est bien loin de la grandiloquence d’Interpol quelques mois plus tôt. Ici, pas de décoration de scène inutile, pas de chorégraphie pompeuse, Editors offre un concert spontané, énergique, empreint de cette espèce d’urgence qu’on trouvait chez les groupes dont ils s’inspirent avec sincérité et humilité. Les anglais s’en tiennent à ce qu’ils savent faire, mais ils le font bien.
Après Smokers outside the hospital doors et un Fingers in the factories halluciné en guise de rappel, le groupe quitte la scène du transbo, souriant, avec un plaisir apparent tel qu’on se souviendra de ne pas avoir vu depuis quelques temps. C’est pas grand chose, non, mais voir ça sur leurs visages ça fait toujours plus plaisir que de les voir tirer la gueule…
cultive ici son addiction à la musique (dans un spectre assez vaste allant de la noise au post-hardcore, en passant par l’ambient, la cold-wave, l’indie pop et les musiques expérimentales et improvisées) ainsi qu’au web et aux nouvelles technologies, également intéressé par le cinéma et la photographie (on ne peut pas tout faire). Guitariste & shoegazer à ses heures perdues (ou ce qu’il en reste).