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Interviews

Interview – Isis

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Quelques heures avant de voir les Californiens d’Isis monter sur la scène de l’Epicerie Moderne de Feyzin, j’ai eu la chance de pouvoir questionner Aaron Harris (batterie) au cours d’une entrevue d’une trentaine de minutes. A l’avant-dernière date, l’occasion de revenir sur cette tournée européenne, l’album In the Absence of truth, et les dix ans de carrière du groupe.

C’est l’avant dernier concert de la tournée aujourd’hui, comment s’est elle passée dans l’ensemble?
C’était vraiment génial. On a eu un accueil très chaleureux. On a joué à Moscou, devant sept-cent personnes… C’était puissant, on n’avait jamais joué là-bas. En fait, cette tournée était une sorte de « second tour » pour nous, avec moins de shows, l’occasion d’aller jouer à des endroits que nous n’avions jamais visité, ou bien pas depuis longtemps, comme Lyon par exemple. On a eu quelques days off pour se détendre. On n’a pas de bus, on tourne avec deux sprinters, ce qui veut dire voyager la journée… Donc ouais, c’était vraiment agréable. Jouer avec Jakob et The Austerity Program était super aussi.

Sympa effectivement… J’aime beaucoup la musique de Jakob. Comment les avez vous rencontrés?
On avait fait un festival avec eux en Nouvelle Zélande, l’année dernière je crois. Des amis à nous – il me semble que c’était Pelican – nous avaient dit « vous allez voir, ils sont excellents », et c’est vrai, sur scène, j’ai trouvé ça bien foutu… Mais c’est quand je suis rentré chez moi, et que j’ai réécouté leur disque, que je me suis rendu compte qu’ils étaient vraiment très bons! Ils ont une super section rythmique, un vrai groove, et pour moi, de tous les groupes qui font ce genre de musique, instrumentale, progressive… Ce sont les meilleurs! On ne les connaissait pas vraiment avant de partir, et on n’était pas sûr qu’ils acceptent de tourner en Europe, car ça fait un sacré voyage pour eux. Mais ils l’ont fait! Et ce sont des gars vraiment cools, en plus d’etre d’excellents musiciens. Quant à The Austerity Program, ce sont des amis, on les connait depuis longtemps.

Où vous en êtes aujourd’hui? Comment le public accueille t’il les chansons de In the Absence of Truth, plus d’un an après sa sortie?
Très bien… C’est de loin la plus grosse tournée qu’on ait jamais faite, on est sur la route depuis un bout de temps… On a juste été bluffés. On a jamais pensé qu’Isis deviendrait aussi populaire… Quand on a commencé, à Boston, on n’aurait jamais imaginé jouer un jour à Moscou à guichets fermés! Je me souviens la première fois où on a tournée aux états-Unis, c’était en Floride je crois… Il n’y avait presque personne à nos concerts! Mais on se faisait plaisir quand même.

J’avais envie de revenir sur votre collaboration avec Aereogramme pour Konkurrent en 2006 (volume 14 de In The Fishtank – une collection de disques où deux groupes ou artistes vont en studio trois jours pour composer et enregistrer un disque ensemble, ndla). Peux tu me dire ce qu’a été cette expérience pour vous?
Pour être honnête avec toi, c’était un peu flippant. Personnellement, je n’étais pas très chaud à l’idée de le faire. On met tellement d’énergie à faire de la musique dont nous sommes fiers, à prendre soin de sonner de la façon dont on veut réellement sonner, que l’idée de travailler dans cet esprit d’urgence, sans savoir ce qui en résulterait vraiment, ne m’attirait pas franchement. Mais en même temps, on s’était tous dit que l’expérience pouvait être intéressante, et Aereogramme est un très bon groupe, donc on a dit ok! Je pense que nous en sommes tous satisfaits au final, même si ça n’est pas ce qu’on a fait de meilleur depuis.

Tu as écouté le dernier album d’Aereogramme? Je ne dirai pas vraiment la même chose pour eux…
(Silence gêné). Disons qu’il est assez différent… (Rires)

Peux tu me parler des concepts « sous-jacents » de chaque album? Panopticon et In the Absence of truth surtout, ont dans le titre un concept assez fort qu’on retrouve par moments dans les morceaux… Comment tout cela se connecte-t’il?
Hmmm… C’est très lié aux paroles, c’est donc plutôt le truc d’Aaron (Turner, chant/guitare, ndla). Les autres, on connaît le message principal, bien sur, et il y a toujours une notion d’engagement social ou politique – même si on ne prend pas position en faveur de qui que ce soit – mais personnellement, je ne veux pas trop rentrer dans ce genre de détails. Evidemment les textes me plaisent, si les paroles d’Aaron parlaient de dragons, ou d’autres conneries de ce genre, je lui dirai « mais c’est quoi çà?! »… Mais ce n’est pas le cas heureusement. J’apprécie le coté ambigu des textes, et le fait que chacun doive se faire sa propre vision. C’est un peu l’idée de In the Absence of Truth, puisque tu en parles: la perception est une chose si étrange, que la vérité devient une notion abstraite… Il y a tellement de façons d’interprêter les choses selon l’angle sous lequel tu les regardes! Enfin, on essaie de ne pas pousser de ce coté trop loin non plus, ça doit rester un vecteur émotionnel pour la musique, qui fait partie d’un ensemble, au même titre que les visuels.

Parlons un peu de Oceanic... Beaucoup de gens parlent de ce disque comme un tournant lors duquel vous auriez échangé le metal lourd pour des sonorités plus atmosphériques. Est-ce que tu partages cette vision? Je vois plutôt l’évolution de votre discographie comme étant constante et progressive depuis The Red Sea, chaque disque différent du précédent…
Oui, on essaie d’évoluer à chaque nouvel album, mais je me souviens que quand on a écouté les premiers mixes d’Oceanic, on s’est dit « wow… C’est étrange… Est-ce que les gens vont aimer ça? » (Rires). The Red Sea était très heavy, Celestial aussi… Donc oui, d’une certaine façon c’est vrai qu’Oceanic a représenté une sorte de cassure. Cela dit, je ne saurai pas vraiment te dire pourquoi, ni comment on en est venu à incorporer ces éléments plus ambient dans notre musique.

Peut être avez-vous été influencés par ce que vous écoutiez à l’époque?
Oui, sans doute… Je me souviens qu’à l’époque de Celestial je commençais à beaucoup écouter Massive Attack. Et en réécoutant l’album, quelques années plus tard, je me suis rendu compte que certaines parties de batterie étaient vraiment influencées par eux… C’est effrayant! Mais on n’a pas vraiment réfléchi, ça c’est fait très naturellement…


Oui, c’est un des aspects de votre musique qui plaît au public je pense, bien qu’elle soit assez élaborée on sent que vous composez de façon spontanée, vous ne cherchez pas à suivre quelque chose…

Merci! C’est un vrai compliment. Il faut dire qu’on bénéficie d’une grande liberté chez les labels avec qui on travaille, c’est une chance; on n’a pas à rendre de comptes, on a aucune contrainte artistique. On est totalement libre.

Le fait que plusieurs des membres d’Isis aient des projets parallèles assez actifs doit pourtant être une contrainte, non? Comment arrivez-vous à gérer vos emplois du temps respectifs? (ndla: Aaron Harris fait entre autres partie d’un projet nommé The Los Angeles Digital Noise Academy, un projet de musique collaboratif online auquel n’importe quel internaute peut contribuer)
On n’a jamais vraiment eu de problèmes de ce coté là. On a la chance de pouvoir gagner nos vies avec Isis depuis quelques temps, ce qui est une chance incroyable. On n’a plus besoin de garder des boulots de merde à coté pour pouvoir se consacrer à la musique le reste du temps. Donc on a pas mal de temps libre. Si Cliff (Meyer, guitare; ndla) en a besoin, par exemple, il vient nous voir et nous demande « les gars, on va tourner trois semaines en juin avec Red Sparowes, est-ce que c’est ok pour vous? », et en général on lui répond « oui, bien sur, aucun problème ». On arrive à se partager le temps comme ça. De toute façon, c’est nécessaire, je crois qu’on a tous des personnalités artistiques si différentes que le projet Isis ne peut pas contenir à lui seul nos créativités respectives.

Oui, et c’est sûrement bien de pouvoir respirer, prendre du recul par rapport à lui…
Absolument. Ce que je fais avec LADNA, je ne pourrai pas le faire avec Isis, ça n’aurait aucun sens… Alors il faut que je le fasse avec les gens qui sont impliqués avec moi dans ce projet. Juste parce que ça fait partie de moi! On a tous cette créativité dans Isis, c’est important qu’on puisse garder d’autres domaines pour l’éxercer. Chacun respecte ce droit pour lui même et pour les autres, donc ça fonctionne…

Pour terminer, le groupe vient de fêter ses dix ans d’existence, et le line-up a très peu changé par rapport aux débuts. Que dirais-tu de ces dix années s’il fallait en tirer un bilan?
D’abord que jamais je n’aurai imaginé qu’on aurait un jour autant de succès. C’est incroyable, je suis en France en train de parler avec toi, je vais jouer de la musique pour des gens qui connaissent nos morceaux! Je n’en reviens toujours pas. Pour le reste… Quelques tournées dont on aurait sûrement pu se passer peut-être… On a tourné avec Napalm Death à nos débuts, et en réalité… Assez peu de gens ont accroché sur notre musique! (Rires). Mais par la suite des gens nous ont dit « je vous ai découvert à votre show avec ND, c’était géant », etc, donc non, même pas, tu vois… Avec le recul, il n’y a rien que nous ayons fait pendant ces dix ans que je ferai différemment aujourd’hui. Nous avons toujours été libre de faire la musique que nous voulions, et j’espère que ça continuera.

Ahaaa… Un album en projet?
On ne peut rien te cacher! On a quelques chansons d’écrites, qu’on projette d’enregistrer cet automne. On espère pouvoir sortir le prochain courant 2009. Restez en ligne!

Merci beaucoup à Aaron Harris pour sa disponibilité, ainsi qu’à l’Epicerie Moderne pour leur aide et l’organisation sans faille.

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