Au tout début de ma longue carrière de grouillot chez Darkglobe, bien avant de tourner triste et blasé, j’avais plusieurs marottes mais l’une des mes absolues favorites était cet obscur groupe d’electropop affublé du patronyme jouissif de Cheerleader et responsable du plus que parfait single de 2011. « New Daze » et « Dreamer » étaient l’oeuvre de deux gars du Connecticut qui se faisaient appeler à l’époque Donovan Rex et Max Friday (en fait Joe Haller et Chris Duran): deux chansons catchy, à la mélancolie secouant le coeur et les pieds, à la fragilité désarmante et qui représentaient un coup de maitre d’autant plus méritoire que ces titres avaient été enregistrés dans une cave sur Garage Band. Emballé comme un poisson dans de la chapelure par ces deux compositions, j’avais pensé à me faire tatouer le nom du groupe sur le coeur mais, sur le conseil et la pression de Monsieur DarkGlobe, avais préféré me contenter d’une interview. Un morceau plus rock intitulé « Do What You Want » confirmant le talent des deux bonhommes pour les compositions accrocheuses plus tard et voila que le groupe fermait boutique, du jour au lendemain, sans laisser d’adresse, sans même une lettre d’explications, me plantant comme une groupie en manque d’affection derrière la porte des loges.
Des raisons de cette soudaine disparition, je ne pouvais que deviner, au travers de ces quelques mails échangés plus tôt avec les pseudos Donovan et Max les raisons: des difficultés pour réunir des collaborateurs stables, un environnement qui ne pouvait pas répondre à leurs ambitions musicales. Malgré ce brusque escamotage, les trois uniques morceaux disponibles du groupe durant ces deux années, ne m’ont pas quitté et entre les arrêts cardiaques consécutifs à ce cruel manque de Cheerleader, je survivais tant bien que mal. Surprise énorme et pleine de soulagement voici quelques semaines lorsque, par le plus grand des hasards, j’ai découvert que les deux bonhommes avaient déménagé pour mieux ressusciter du coté de Philadelphie : le temps nécessaire pour s’acoquiner avec trois autres musiciens certainement plus motivés que les précédents pour conquérir le monde mais aussi remasteriser leurs trois morceaux initiaux, produire une video pour « New Daze« , jouer une ribambelle de concerts notamment au SXSW d’Austin et finalement sortir une nouvelle chanson intitulée « Perfect Vision ». Et en entendant celle-ci, on se dit que l’époque de Garage Band est carrément loin; le titre a été enregistré en studio et cela s’entend: les guitares brillent, la batterie se déchaîne et les synthétiseurs tourbillonnent pour pousser l’auditeur vers la piste de danse, un sourire aux lèvres. La musique gagne en efficacité ce qu’elle perd peut-être en douceur et fragilité mais le résultat, ultra pop, est toujours aussi désespérément lumineux et joyeusement naïf, hédoniste et addictif. Le morceau sortira en vinyle le 10 Juin chez Young & Lost au Royaume-Uni et Bright Antenna aux Etats-Unis tandis que le groupe jouera le 10 Mai au Festival The Great Escape de Brighton. Alors, cette fois-ci, de grâce, évitez-moi les infarctus émotifs et offrez à Cheerleader le succès que ce groupe mérite.
Grand consommateur de Baby Carottes et de sorbets au yuzu, j’assume fièrement mon ultra dépendance au doux-amer, à l’électropop bancale et chétive, aux musiciens petits bras ainsi qu’aux formes épurées du grand Steve Ditko. A part cela? Il y avait péno sur Nilmar.