Evidemment, à postériori, il n’existait aucune raison d’être surpris. Car, si nous nous souvenons bien, Charlie Hilton, la chanteuse de Blouse, nous avait déjà averti sur « Time Travel »: « I was in the future yesterday, But it looked nothing like this ». Bien sûr, nous aurions dû en déduire que le groupe de Portland maitrisait le voyage dans le temps mieux que H.G. Wells. C’est juste qu’après un premier album d’electropop éthérée revisitant des eighties sous un prisme curesque, les voir débrancher si rapidement les synthétiseurs n’était peut-être pas la première décision que nous attendions de leur part tant cet instrument semblait déjà imprégner l’identité du groupe. Et pourtant. Si le second album, Imperium, continue le voyage dans le temps, c’est cette fois-ci vers une indie rock flirtant autour du début des années 90, débarrassée de claviers, que Blouse a décidé de poser ses guitares.
De l’intro d' »Imperium » et ses réminiscences évidemment Pixies en passant par un « Eyesight » très Lush jusqu’à la shoegaze nerveuse et post punk de « Arrested », à l’utilisation quasi systématique de distorsions ou de guitares lourdes (« Happy Days »), Blouse flirte avec des influences évidentes sans perdre pour autant son identité. Le groupe conserve toujours ce côté doucement pop, cette recherche de mélodie, cette langueur mélancolique teintée de nonchalance portée par la voix de Charlie Hilton, souvent émouvante (« 1000 Years » ) mais aux métaphores parfois déconcertantes de naïveté comme sur « In A Glass »: « I put all my love in a glass, You had it all, But you drink so fast« . « In A Feeling Like This », par exemple, possède une structure typiquement Blouse, un morceau que l’on aurait pu retrouver sans problème sur le premier album mais que nous découvrons ici uniquement perturbé par l’étrangeté de ce bruit de gouttes d’eau tombant à intervalles réguliers. « Trust Me » réunit tous les éléments cités auparavant (la pop, l’étrangeté ordinaire, la mélancolie nonchalante) pour clore le disque sur une balade plus dépouillée et toute en fragilités, comme un retour sur les fondamentaux du groupe .
Imperium représente sans contestation la preuve de l’influence majeure de Jacob Portrait de Unknown Mortal Orchestra, bassiste (sur disque majoritairement puisqu’il tourne rarement avec le reste du groupe) et producteur de Blouse, sur le son du groupe. Il avait d’ailleurs annoncé que cet album avait été enregistré avec « instruments that don’t plug into the wall ». Néanmoins, si l’abandon de synthétiseurs correspondait au désir de proposer une musique plus viscérale et moins songeuse que précédemment, on ne saurait vraiment affirmer que ce choix est une totale réussite. Car même harnachée de guitares, la musique de Blouse semble encore irrésistiblement aspirée par la voix de Charlie Hilton. Cette dernière, même plus affirmée que sur le premier disque, possède encore ce caractère mystérieux proche de l’immatériel. En conséquence, plus que la réinvention d’une époque révolue, le son du groupe évoque un double spectral, un écho distant à travers les décennies dont les diverses et fragiles couches de substances sonores se dissolvent peu à peu dans un éther mythique pour ne plus en laisser que des ombres légères dans les airs et redéfinir en filigrane le terme de crépusculaire.
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Grand consommateur de Baby Carottes et de sorbets au yuzu, j’assume fièrement mon ultra dépendance au doux-amer, à l’électropop bancale et chétive, aux musiciens petits bras ainsi qu’aux formes épurées du grand Steve Ditko. A part cela? Il y avait péno sur Nilmar.