Retrouver Prohom, c’est tout d’abord se souvenir de la singularité de cet artiste. En effet, nous avons beau regarder autour de nous, nous n’en connaissons pas d’autre qui s’échine à secouer les tripes de la chanson française à grands coups d’électronique. Car après les essais rock de l’opus précédent Allers Retours (sans oublier le EP acoustique, La vie sans, sorti voici un peu plus de deux ans), le lyonnais a décidé de venir refaire un tour auprès de ses débuts synthétiques avec son nouvel album intitulé Un monde pour soi.
Sous une très belle pochette, c’est « Comment lutter » qui ouvre les hostilités de manière frontale sur l’univers pas très serein (et c’est peu de le dire) de Prohom : morceau révolté à l’electronica nerveuse et presque dansante, si ce n’est les paroles, à mi-chemin entre coups de poings dans la gueule et ras le bol, qui calment un peu les pas de deux. C’est ce grand écart entre envie de se remuer et paroles plombantes que l’on retrouve sur l’hypnotique et sombre « A quoi me fier » ou encore, le tout expéditif « Dis-toi », description d’une dépression lorgnant sur le suicide. Car Un monde pour soi est un album où la mort traîne ses guêtres: fantasmée, comme ce besoin de tuer un souvenir sur un « Je voudrais que tu sois morte » à la production sèche comme le désespoir amoureux ou juste bouleversante sur « L’âme or », petit chef d’oeuvre d’une tendresse et pudeur absolue sur le suicide de deux amants où le drame se love dans le réconfort des corps. Ce va et vient entre douceur cachée sous un epiderme rêche se retrouve constamment à la fois sur l’album et les chansons: l’electropop de « Quand reviendras-tu » ne s’embarrasse pas de cacher le coeur d’artichaut du bonhomme tandis que son duo « Au coin des rues » avec Carmen Maria Vega, sans doute et étrangement, le morceau le plus classique de l’album dans ses sonorités révèle une jolie mélancolie partagée. Quant au morceau de clôture, « Un monde pour soi », il dégaine encore plus de sentiments à fleur de peau et transpire d’urgences pendant près de sept minutes d’électro rock sur un riff de guitare en mode crescendo pour s’achever sur les samples d’un discours de François Varillon, prêtre catholique lyonnais, avant de finalement apparaître comme une évidente réponse aux interrogations du premier morceau de l’album.
Ce que d’aucun pourrait reprocher à Prohom, c’est cette quête de l’absolu ou de l’utopie, ce lyrisme naïf et assumée, cette approche directe, ce sérieux qui le prend à la gorge au moment d’aborder les sujets qui lui sont importants, qui lui tiennent à cœur (et ils sont nombreux), cette quête de l’absolu qui le ronge. A se demander si la deuxième chanson de l’album, « L’encre au bout des doigts », au parfum franchement autobiographique, ne devrait pas se lire comme une mise au point et une réponse à ces critiques. A partir de cette même analyse décrite plus haut, d’autres préféreront souligner l’intégrité, le privilège et le courage jusqu’au boutiste d’assumer ses passions et d’asséner des vérités dans un monde pétri de cynisme, et cela sans jamais baisser les yeux.
[soundcloud url= »http://api.soundcloud.com/tracks/77785534″ params= » » width= » 100% » height= »166″ iframe= »true » /]
Grand consommateur de Baby Carottes et de sorbets au yuzu, j’assume fièrement mon ultra dépendance au doux-amer, à l’électropop bancale et chétive, aux musiciens petits bras ainsi qu’aux formes épurées du grand Steve Ditko. A part cela? Il y avait péno sur Nilmar.