Quelques dizaines de minutes avant de monter sur la très belle scène du Ciel de Grenoble, et de livrer un des meilleurs concerts parmi ceux que j’aurai vu cette année, les cinq cheminots d’iLiKETRAiNS ont bien voulu me recevoir pour répondre à quelques questions, revenir sur la sortie d’Elegies To Lessons Learnt (dont vous pouvez lire la chronique ici-meme) et nous livrer quelques secrets sur leur recette. Rencontre avec (de gauche à droite) Alistair (basse), Guy (guitare & clavier), Ashley (trompette & visuels), David (chant & guitare) et Simon (batterie).
Première question, comment se sont passées vos quelques dates aux US? C’était la première fois que vous jouiez-là bas je crois?
Dave: En fait, c’était la deuxième. Nous avions fait le festival « South by Southwest » mais c’était juste pour une date. Cette fois, c’était un peu plus long, nous avions dix jours. C’était fatigant, mais vraiment bon. Nous participions à une manifestation appelée « CMJ », c’est une sorte de conférence de musique. Le premier soir était pour la presse et les gens comme toi, qui écrivent pour des sites web. Nous avons joué trois concerts à New York, et nous avons aussi joué à Washington et à Boston. Ce n’était pas dans des grandes salles et le public n’était pas très nombreux, mais les gens avaient vraiment l’air d’apprécier, donc nous avons pris beaucoup de plaisir à jouer.
Pouvez-vous me parler un peu du processus d’enregistrement d’Elegies To Lessons Learnt? Comment vous est venue l’idée d’enregistrer dans une église?
Alistair: C’est un endroit où nous répétons souvent. Une grande et vaste église à Leeds, près de là où nous vivons. Nous avons simplement amené du matériel et nous nous sommes mis au travail avec un de nos amis qui travaille sur notre son. Nous avons enregistré pendant environ quatre mois, nous avons commencé par faire les batteries sur bande, puis le reste a été enregistré sur ordinateur. Par la suite, nous sommes allés travailler dans une autre église en Angleterre, avec Ken Thomas – qui a produit entre autres Sigur Ros et Hope of the States, et qui a fini par mixer Elegies.
Donc vous avez vraiment pris votre temps?
Dave: Oui, tout a fait. Nous avions prévu d’enregistrer et de mixer l’album nous-mêmes. Nous n’avions pas pensé une seule seconde que Ken Thomas pourrait travailler sur le disque… Mais à un moment, notre manager a parlé à son management et il s’est avéré qu’il aimait assez ce que nous faisons, et qu’il était motivé pour mixer Elegies. Nous avons sauté sur l’occasion, parce que c’est une véritable idole pour nous, nous suivons ses productions avec beaucoup d’attention. Pouvoir travailler avec lui sur ce disque, découvrir quelques uns de ses secrets a vraiment été une superbe expérience.
Qui a réalisé l’artwork sur la pochette?
Ashley: C’est moi!
C’est aussi toi qui as fait celui de Progress Reform?
Ashley: Oui, et également pour tout ce que nous avons fait depuis les débuts du groupe. Nous faisons tout le graphisme nous-mêmes, et c’est moi qui en suis chargé.
Dave: Un secret à révéler peut être?
Ashley: Oui! Cela serait intéressant de savoir si les gens ont trouvé la signification des trous sur la couverture du disque… En fait, les bandes de couleur sur la pochette de l’album, et des singles qui sont sortis jusqu’à présent, correspondent à nos chansons, chaque piste a une couleur et c’est aussi la même couleur qu’on retrouve dans les visuels que nous projetons sur scène. Les bandes découpées dans la couverture sont espacées comme sur une ligne chronologique, et montre la période à laquelle les personnages de chacune de nos chansons ont vécu…
C’est astucieux! Et ça me fait penser à cette page sur votre site internet… (ndla, ici)
Ashley: Oui, tu peux y lire des informations historiques sur les événements dont parlent nos chansons.
A ce propos, d’où vous est venue cette idée de vous inspirer d’événements historiques, à l’origine?
Dave: Difficile à dire… C’est arrivé comme çà. On ne s’est pas posé là à réfléchir et à dire « faisons çà ». C’est quelque chose qui continue à évoluer… A l’origine, la première chanson inspirée de faits historiques que nous avons écrite parlait de William Huskisson, qui a été le premier homme tué sur les chemins de fer britanniques. Ca a influencé notre choix pour le nom du groupe, et les uniformes que nous portions à l’époque. Tout a commencé comme ça, on a trouvé l’idée très intéressante. On pensait s’en sortir pas trop mal, alors on a continué. Le résultat, c’est l’album entier… C’est un peu devenu un concept.
Donc c’est vraiment venu naturellement…
Oui! Tu sais, c’est vraiment intéressant d’écrire sur ces gens, et les histoires souvent tragiques autour d’eux. Cela nous inspire beaucoup. Il doit toujours y avoir une étincelle dans le procédé d’écriture d’une chanson, et la découverte de certaines histoires, plus ou moins dramatiques, y contribue de manière importante dans notre cas. Ca éveille notre créativité.
Et je pense que le public a l’effet inverse, en écoutant les chansons il a envie de s’intéresser aux histoires…
Ca serait génial. J’espère que tu as raison!
C’est l’effet qu’a eu The Deception sur moi en tout cas. Je ne connaissais pas Donald Crowhurst.
Il y a un livre sur lui. Et un film aussi. Comment ça s’appelle déjà…
Guy: Deep Water.
Dave: Oui c’est çà! Deep Water.
Guy: Il passait à la télé hier soir en Angleterre.
Je connais ce film mais je ne l’ai pas vu. Il va falloir maintenant…
Dave: Ils tournaient le film au moment où on a écrit la chanson.
Et pour l’avenir, est-ce que cette « thématique » est quelque chose que vous voyez évoluer? Vous n’avez pas peur de finir un peu par tourner en rond?
C’est une chose à laquelle nous devons penser, bien sur. Nous devons évoluer avec çà, y apporter de nouvelles choses aussi… Garder ce coté excitant en quelque sorte. Je ne suis pas vraiment sûr de la façon dont cela évoluera, mais j’espère que ça viendra naturellement.
Si vous aviez le choix de pouvoir vivre dans une autre période de l’histoire, quand cela serait-il?
Guy: A la fin du dix-septième siècle. (ndla: « seventeenth century »)
Simon: J’ai cru que tu avais dit les années soixante-dix! (ndla: « seventies »). Mais bon, c’est l’époque à laquelle tu es née, alors… (Rires)
Dave: Pourquoi?
Guy: Parce que personne n’en avait rien à foutre, on pouvait faire tout ce qu’on voulait.
Ashley: Je crois que ça devait être génial de vivre à la fin du dix-huitième siècle, à l’époque des grandes expositions universelles. Voir à quoi ressemblait le monde sans internet, sans la télévision et toutes ces connexions… La semaine dernière, quand on était à Paris, j’ai trouvé une carte postale de la tour Eiffel à l’époque de l’exposition pour laquelle elle a été construite. J’imagine que c’était grandiose de la visiter et de la voir à ce moment-là.
Je crois que vous organisez un concert mensuel, « SiGNAL FAiLURE », dans un club à Leeds. Comment est-ce que ça fonctionne?
Simon: Quand on en a l’occasion, on fait jouer des groupes dont on apprécie la musique. On les programme, et il y a toujours des gens qui viennent même s’ils ne les ont jamais entendu… C’est l’idée. Mais on a pas vraiment eu le temps jusqu’à maintenant… Pas autant qu’on aurait voulu. On a eu quelques plans ce mois-ci mais pas le temps de les concrétiser.
Quelques questions faciles pour finir… Avec quel(s) groupes aimeriez-vous partager l’affiche?
Dave: Wow… Nick Cave and the Bad Seeds. Mais il y en a plein.
Alistair: Godspeed You! Black Emperor… Ils sont vraiment bons. Trop pour jouer avec nous sans doute.
Dave: Tu n’aurais pas du les choisir, pour cette raison! Mais si on pouvait les persuader de faire un concert avec nous ce serait super.
Ashley: The Flaming Lips. J’aime ce qu’ils font visuellement. Mais c’est pareil…
Dave: Oui, donc on ne le ferait pas! (Rires). On aime beaucoup les disques de tous ces groupes mais je ne crois pas qu’on jouerait avec eux…
Quels disques vous écoutez en ce moment?
Dave: J’aime beaucoup le nouveau PJ Harvey.
Guy: Le dernier Interpol.
Simon: Battles! Beirut.
Ashley: Mùm…
Une anecdote de tournée, un truc marrant à raconter?
Dave: OK… Alors… On était en tournée en France, c’était l’année dernière je crois. On conduisait le van, on allait prendre le ferry, et à 120 km/h un pneu a éclaté! Pendant quinze secondes on a zigzagué, on ne savait pas si on allait taper sur le coté, enfin on a vraiment eu peur! Quand on est descendu du van, on s’est regardé et on s’est dit « c’est classe, on est vivant! ». Cette petite histoire a même inspiré en partie Death is the end, le morceau final sur Elegies…
Quelque chose à dire à votre public français pour conclure?
Simon: Ouais! En français alors!
OK, ou alors un petit commentaire sur « The french are not to blame »? (ndla: extrait de paroles de 25 Sins)
Dave: Oh oui, je suis désolé à propos de cette phrase… Il n’y a absolument rien contre les français, vraiment.
Je sais, c’était juste une boutade…
En fait c’est juste qu’à cette période de l’histoire la France et l’Angleterre étaient en guerre depuis pas mal de temps… La face B de Spencer Perceval en fait aussi mention. Désolé… Ouais, je veux juste dire à tous les français que je suis désolé pour cette phrase!
Remerciements au groupe et à Keir, ainsi qu’a l’équipe du Ciel et de Radio Campus Grenoble.
cultive ici son addiction à la musique (dans un spectre assez vaste allant de la noise au post-hardcore, en passant par l’ambient, la cold-wave, l’indie pop et les musiques expérimentales et improvisées) ainsi qu’au web et aux nouvelles technologies, également intéressé par le cinéma et la photographie (on ne peut pas tout faire). Guitariste & shoegazer à ses heures perdues (ou ce qu’il en reste).